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La marque de l’interdit : des inconséquences de Jean-Pierre Dupuy et autres girardiens

 

[12.11.2014]

 

 

 

Dupuy subit la marque de l'interdit (du sacré si l'on veut) : il ne franchit pas la ligne qui l'exclurait de la communauté des "chercheurs" qui ne doivent pas s'éloigner du champ d'éclairage du réverbère que leurs maîtres ont délimité, et en bon chercheur de garde, il dépose ses produits à son pied, rendant hommage à la main qui le nourrit depuis des décennies (en fait toute sa vie), le système où il est né.

 

Il est marginal[1] mais admis d’accuser la nomenklatura de Vladimir Poutine (ex-directeur du KGB) d’avoir fomenté les attentats de la fin 1999, permettant par l’accusation sans preuve de Tchétchènes de faire élire sur un fauteuil présidentiel Poutine en le menant dans cette seconde guerre contre le peuple tchétchène, le peuple réuni derrière son chef contre cet ennemi odieux, en fait un bouc émissaire fabriqué. Une pratique classique et fort compréhensible pour tout lecteur de René Girard (de La Violence et le Sacré ou Le Bouc-Émissaire).

Et là, il faut être plus girardien que Girard, car lui comme ses adeptes « chrétiens » intégristes, plus intégristes que chrétiens, sont prompts à accepter la version officielle de leur Occident qui désigne des islamistes, qui ont déjà le tort de ne pas être chrétiens, comme coupables, forcément coupables, a priori coupables, logiquement coupables (voir Luc-Laurent Salvador, Lettre à René Girard sur le 11 septembre 2001[2]).

Et il faut être plus girardien et plus andersien (adepte de Günther Anders) que Jean-Pierre Dupuy, qui atteint, dans La Marque du sacré (Carnets Nord, 2008), les limites extrêmes de son révisionnisme (et de sa supraliminarité[3]) contre la version officielle des bombardements atomiques du Japon (p. 238 et suivantes), mais élude toute tricherie pour l’élection de Georges W. Bush en 2000 (p. 180-181) et toute bizarrerie dans la version officielle des attentats du 11 septembre 2001[4] (p. 217, 220, 230-233).

C’est encore pire pour le non moins girardien Jean-Michel Oughourlian qui dans Psychopolitique, affirme que « la guerre "conventionnelle" aurait pu durer encore cinq ou dix ans » en répétant paresseusement la propagande états-unienne sur l’utilisation en fait criminelle de ces deux bombes, sans lire son condisciple girardien (François-Xavier de Guibert, 2010, p. 48).

 

Le vendredi 16 mars 2012, au colloque sur René Girard et la théologie, j'aborde Jean-Pierre Dupuy qui venait de dire que Don Juan dénonçait hypocritement l'hypocrisie (2h40mn50s de l’enregistrement de la matinée), en lui disant que Dario Fo dans Mort accidentelle d'un anarchiste, mettait en scène un imposteur qui dénonce l'imposture (à propos de la défenestration dans un commissariat de police d'un anarchiste arrêté suite à un attentat fomenté par les gouvernants afin d'accuser l'extrême gauche, dans la stratégie de la tension), et lui dis que Dario Fo et son successeur au prix Nobel de littérature (1997 et 1998), José Saramago, étaient tous deux opposés à la théorie officielle des attentats du 11 septembre 2001. Il se dit déçu, connaissant l'écrivain portugais. Je lui demande comment il explique que, rappelant dans son livre La Marque du Sacré que la CIA était informée que des terroristes envisageaient de réaliser un Hiroshima aux États-Unis, ceux-ci n'aient pas attaqué des centrales nucléaires plutôt que des immeubles. Il me dit que les terroristes comme Mohamed Atta étaient des ingénieurs informés du fait que les centrales nucléaires étaient bien mieux protégées (ah bon? alors qu'ils n'ont pas empêché qu'un avion atteigne son but une heure après le premier?). Je lui parle de Norman Mineta, ministre des Transports de l'administration George W. Bush qui, présent avec le vice-président Dick Chesney dans le Centre Présidentiel des Opérations d’Urgence (un bunker sous la Maison Blanche), avait témoigné le 23 mai 2003 devant la Commission Nationale sur les Attaques Terroristes Contre les États-Unis que Chesney était informé plusieurs fois par un jeune homme de l'avancée d'un avion et lui demanda si les ordres étaient maintenus, ce qui a mis en colère Chesney. Jean-Pierre Dupuy connait cet épisode, mais me dit qu'il n'a pas le temps, la vie est courte et il faut faire des choix, qu'on pourrait être sceptique sur tout, la bataille de Iéna le 12 octobre... En fait de temps, je le laisse car je vois qu'il s'oriente vers ses pairs, pressé de les rejoindre.

Son argument est dans le registre temporel l'équivalent dans le registre spatial de ceux qui cherchent quelque chose sous le réverbère parce que c'est éclairé, alors qu'il y a des indices qu'ils l'ont perdu ailleurs.

Il s'agit de rester dans le cadre du socialement admis afin d’être soi-même socialement admis, comme Lucien Scubla le révèle bien lorsque, dans ce même colloque, alors qu’il parle du nationalisme, il dit que nous étions à ce colloque entre personnes « politiquement correctes » pour qui le mot est tabou, et que le seul parti politique (le Front National) l’invoquant est ostracisé (avant de mentionner que paradoxalement Régis Debray remarquait dans son livre Frontières que la quantité de frontières avait augmenté ce dernier demi-siècle).

« On voit bien que, surtout dans les milieux politiquement corrects auxquels nous appartenons tous ici, que c’était même un terme tabou. Il y avait juste un parti politique qui osait, et justement en même temps, il faisait l’objet d’une exclusion générale, qui montre d’ailleurs que, moi je pense que les mécanisme girardiens n’ont pas disparu et ne sont pas près de disparaître. » (après-midi, 1h15mn15s).

 

 

Mercredi 12 novembre 2014


 

[3] « le mot de « supraliminarité » n'a pas encore été adopté comme les autres par les médias ni donc par la langue. J'appelle « supraliminaires » les événements et les actions qui sont trop grands pour être encore conçus par l'homme : si c'était le cas, ils pourraient être perçus et mémorisés. Jusqu'à présent, on ne connaissait en psychologie que l'«infraliminaire» [Unterschwellige]. Weber et Fechner ont appelé «infraliminaires» les excitations qui sont trop petites pour que les hommes puissent encore les enregistrer. Aujourd'hui les "excitations" (s'il est possible de ranger des événements immenses sous ce terme académique) sont devenues trop grandes pour "accéder" encore à nous. C'est au point que lorsque j'ai cherché à parler de la déflagration atomique avec les victimes d'Hiroshima, elles restaient tout simplement muettes. Non parce que leur anglais aurait été insuffisant (ils se taisaient en japonais et l'interprète, lui aussi, restait muet). L'événement était trop grand pour qu'ils aient pu s'en rappeler et même pour qu'ils aient pu le percevoir. Ce qui vaut pour ceux qui l'ont provoqué et pour ceux qui l'ont subi. Que les premiers n'aient pas eu idée de l'ampleur des effets qu'ils ont produits, cela vaut aussi bien pour les victimes qui les ont subis; tout comme les auteurs ne pouvaient pas prévoir le mal qu'ils faisaient, les victimes ne pouvaient plus se rappeler ce qu'on leur avait fait. Vous voyez : je retombe toujours sur mes pieds, je reviens toujours à mon idée fixe, à savoir que quand nous réfléchissons, nous sommes plus petits que nous-mêmes, nous ne pouvons pas nous représenter qui nous sommes (et nous ne voulons pas non plus pouvoir le faire); c'est pourquoi nous ne savons pas ce que nous faisons ni ce qu'on nous fait. C'est seulement parce qu'il en va ainsi qu'on peut accomplir des actes aussi incroyables, aussi incroyablement inconscients que l'exportation d'usines de retraitement nucléaire de l'Allemagne fédérale vers le Brésil. » (Günther Anders, 1977 : Et si je suis désespéré, que voulez-vous que j'y fasse? Entretien avec Mathias Greffrath, Allia, 2007, p. 71-73).

 

[4] « On sait aujourd’hui que les Américains ont reçu dans les mois qui précédèrent le 11 septembre nombre de signes annonciateurs de la catastrophe. L’un d’entre eux, un message en provenance d’al-Qaida capté par la CIA, était particulièrement effrayant. Il se vantait que l’organisation d’Oussama Ben Laden était en train de planifier « un Hiroshima contre l’Amérique ». » (p. 231).

Dupuy croit donc que des islamistes affirmaient faire un Hiroshima mais n'auraient pas pensé que l'attaque la plus puissante aurait été de faire écraser des avions contre des centrales nucléaires, pas contre trois bâtiments de bureaux ; et qu'informée d'un projet d'attaque d'ampleur nucléaire, la CIA n'aurait rien fait ? Surtout, il ne se réfère qu’à une source (la CIA), parmi les plus controversées de l’affaire.