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Note bibliographique sur les travaux de Luc-Laurent Salvador

[Juin 1995]

 

Introduction

 

Luc-Laurent Salvador, né en 19**, a été marqué par la découverte de l'œuvre de René Girard, par un article dans Science et vie lors de la publication Des Choses cachées depuis la fondation du monde. Il a d'abord suivi des études de sciences naturelles, puis a été professeur de collège, instituteur. Il a ensuite entamé des études de psychologie, avec le projet de faire une théorie générale, intéressant la biologie, l'éthologie, la psychologie et les sciences sociales à partir d'œuvres comme celles de Darwin, de Baldwin, de Piaget, de Lorenz et de Girard.

Alors que j'écris ces lignes, il achève sa thèse de doctorat de psychologie à l'Université de Paris V, intitulée: Imitation et Attribution de Causalité: la genèse mimétique du Soi, la genèse mimétique du Réel, sous la direction du psychiatre Jean-Michel Oughourlian, auteur de Un mime nommé désir: hystérie, transe, possession, adorcisme (Grasset, 1982), et chargé d'un séminaire sur l'hypnose à Paris V.

Je ferai ici une synthèse des quatre travaux dont j'ai pu avoir connaissance: les deux premiers sont consacrés à la biologie, et proposent certaines options épistémologiques, voire ontologiques; et les deux autres proposent de démontrer l'importance du mimétisme dans le comportement animal, et donc dans l'éthologie.

 

 

 

I. Épistémologie et biologie

 

A. Évolution et systémique: vers une éco-systémique de la cognition

 

Le principe de la sélection naturelle des espèces, composé du doublet mutation/sélection, a été proposé par Charles Darwin dans L'origine des espèces pour expliquer l'apparition de la diversité de la vie. Il a inspiré des travaux sur la morphogenèse d'autres domaines, comme ceux de l'épistémologie évolutionniste, par exemple celle de Popper, où l'évolution des idées scientifiques est décrit par le doublet conjectures puis réfutations. Il a aussi inspiré la théorie de l'apprentissage de la psychologie béhavioriste, avec le doublet essais-erreurs.

La théorie darwinienne a été contestée par les options systémiques des théories sur l'auto-organisation et celles de la complexité. Mais selon Salvador, il s'agit plutôt d'une critique d'un néo-darwinisme qui élimine les éléments systémiques de la pensée de Darwin. Ce néo-darwinisme présente, comme l'a fait Jacques Monod, l'évolution de la vie comme la sélection opérée par la pression d'un environnement nécessaire sur de nouvelles formes de vie créées par hasard. Il n'y a, selon cette conception, pas de rétroaction entre ce hasard et cette nécessité, et la complexification de la vie reste inexplicable.

Mais en fait l'environnement n'est pas une fatalité extérieure, transcendante et indépendante des formes vivantes. Celles-ci font partie de l'environnement et donc des forces de sélection: "toute modification d'une forme vivante X ne peut manquer d'influer sur la pression de sélection que le milieu exercera ensuite, non seulement sur toutes les autres formes, mais aussi sur la forme X elle-même" (Salvador, 1992, p.188). Salvador cite Darwin qui écrivait: "à mesure que quelques-uns des anciens habitants se modifient, les rapports mutuels de presque tous les autres doivent changer. Cela seul suffit à créer des lacunes que peuvent remplir des formes mieux adaptées" (Darwin, 1985, p. 156). Salvador cite un autre passage où Darwin résume ses vues interactionnistes: "les anciennes et les nouvelles formes ainsi produites agissent et réagissent les unes sur les autres" (ibid., p. 231).

Darwin était donc opposé aux deux conceptions de l'indépendance des formes vivantes et de leur environnement sélectif: d'une part le néo-darwinisme où "les organismes apparaissent sous le joug implacable du dispositif de sélection" (Salvador, 1992, p. 189), et d'autre part et d'autre part les théories de l'autonomie, comme celles de Varela et Vendryes, où les caractéristiques d'une espèce "ne dépendraient que d'elle-même" (Salvador, 1992, p. 189), les espèces ayant "la capacité à maintenir, à perpétuer leur identité, leur organisation face aux incessantes perturbations de l'environnement" (Salvador, 1992, p. 191). La conception de Jacques Monod de la vie comme "transmission invariante de des caractéristiques de l'espèce grâce au processus de reproduction" (Salvador, 1992, p. 189) est aussi erronée, car on ne pourrait pas comprendre l'émergence de structures aussi complexes que l'œil des vertébrés. Il y a au contraire un important brassage génétique produisant une variabilité qui permet à l'espèce de survivre en s'adaptant. En fait, " ce n'est pas à la reproduction qu'il faut attribuer l'invariance mais bien à la sélection, c'est-à-dire aux interactions que tout organisme entretient avec son biotope" (Salvador, 1992, p. 190). Une espèce se reproduit à l'identique dans la mesure où les individus déviants sont désavantagés par la stabilité des interactions de l'espèce avec l'environnement. Loin d'être due à l'autonomie, la perpétuation à l'identique d'une espèce est due à la pression de l'environnement.

L'évolution de la vie apparaît comme de brèves phases de grande création de formes vivantes nouvelles, dérivées des formes déviantes ou inabouties, lors de la conquête de nouvelles niches écologiques ou de bouleversements écologiques, phases suivies de longues périodes de relative stabilité: ce sont les équilibres ponctués proposés par Eldredge et Gould. Ainsi, souvent, il n'y a pas de formes intermédiaires à chercher dans des "lacunes de la documentation fossile" (Salvador, 1992, p. 192), la radiation adaptative étant soudaine et rapide, et pas aussi lente et graduelle que le pensait Darwin.

Salvador remarque qu'on peut trouver une analogie entre l'évolution de la vie et l'épistémologie de Kuhn, où des révolutions instaurent de nouveaux paradigmes dans le cadre desquels la science évolue peu à peu jusqu'au prochain bouleversement. Cela va contre le néo-darwinisme de Popper, où des conjectures sont réfutées, ce qui peut juste expliquer les perfectionnements au sein d'un paradigme mais n'est pas suffisant pour engendrer de nouveaux paradigmes théoriques.

Luc-Laurent Salvador, en prenant appui sur le courant herméneutique, veut contester la fixité et la permanence qui est d'emblée attribuée à des concepts des sciences cognitives comme ceux d'objet ou de symbole. Il constate que "la conception herméneutique du sens, de la signification que l'on peut dégager d'un texte, est radicalement constructiviste interactionniste, c'est-à-dire, relevant d'une véritable ontogenèse opérée par l'interaction cyclique entre l'organisation "anticipatrice" que constitue le lecteur, et le texte lui-même" (Salvador, 1992, p. 200). Gadamer lui-même écrit: "Quiconque veut comprendre un texte a toujours un projet. Dès qu'il se dessine un premier sens dans le texte, l'interprète anticipe un sens pour le tout. à son tour, ce premier sens ne se dessine que parce qu'on lit déjà le texte, guidé par l'attente d'un sens déterminé. C'est dans l'élaboration d'un tel projet anticipant constamment révisé il est vrai sur la base de ce qui ressort de la pénétration ultérieure du texte que consiste la compréhension de ce qui s'offre à lire" (Gadamer, 1975, p. 104). Gadamer note l'aspect dynamique et constructeur de l'interprétation et emploie la même formule que lui: "la mise en lumière du sens véritable contenu dans le texte [...] n'arrive pas à son terme en un point précis. C'est, en vérité, un processus illimité [...] il naît sans cesse de nouvelles sources de compréhension qui révèlent des rapports de sens insoupçonnés" (Gadamer, 1975, p. 138). C'est une causalité circulaire entre le texte et son contexte de lecture qui engendre de nouvelles significations. Ainsi une théorie de l'évolution des significations pourrait être développée, selon Salvador, sur les mêmes bases qu'en biologie, à partir des concepts de reproduction, d'ontogenèse, de causalité circulaire, de cohérence et de phylogenèse.

 

 

B. Pour un relativisme interactionniste conséquent - de Piaget à Darwin et retour

 

Dans cet article publié dans la revue Intellectica, Luc-Laurent Salvador veut montrer la pertinence des conceptions génétiques de Jean Piaget, en l'occurrence revisitées par les idées de Charles Darwin, pour le développement de théories morphogénétiques, évolutionnistes et sub-logiques au sein des sciences cognitives.

Contre le réalisme de certains travaux computo-représentationnels sur la perception, l'image ou la mémoire, Salvador propose de réhabiliter le constructivisme épistémologique de Jean Piaget, en partie négligé à cause de son ampleur, de sa complexité et de ses ambiguïtés. Les chercheurs en sciences cognitives, par exemple Simon, se sont peu à peu rendus compte, qu'il valait mieux, plutôt que d'essayer de fabriquer de prime abord des systèmes "expert" ou "adulte" opérants, modéliser les capacités d'apprentissage, et donc d'évolution et d'adaptation. Et pour cela, il est intéressant de discuter les concepts ontogénétiques d'assimilation et d'accommodation, proposés par Piaget pour décrire le doublet organisation/adaptation de l'individu, que l'on retrouve dans les sciences cognitives (par exemple le doublet stabilité/plasticité proposé par le connexionniste Grossberg en 1987).

Le projet de Piaget était d'élaborer le processus de construction des structures intellectuelles de l'enfant, à travers ses interactions avec l'environnement, dans une perspective constructiviste ou relativiste interactionniste. Il voulait éviter les antinomies idéalisme/réalisme, innéisme/empirisme, darwinisme/lamarckisme, "qui sont toutes relatives au primat donné aux facteurs internes ou aux facteurs externes, dans l'explication de l'organisation" (Salvador, 1993, p. 104 & 105). Contre la coupure entre sujet et objet, il a fait appel "à l'activité du sujet dans son environnement et à son activité interne de mise en cohérence de sa structure" (Salvador, 1993, p. 105). Mais entre ces deux processus causaux, il a préféré insister sur le travail de mise en cohérence interne, diminuant l'importance de l'interaction du sujet avec l'environnement dans l'élaboration des structures intellectuelles. C'est au même résultat problématique que sont parvenus des biologistes de l'auto-organisation et de l'autonomie comme Henri Atlan et Francisco Varela, avec l'invocation de la notion de perturbation. Selon le théorème d'Ashby, il ne peut pas y avoir d'autonomie totale, comme on ne peut pas s'envoler en tirant sur ses lacets. Donc l'organisme serait perturbé, déséquilibré par un élément extérieur sans signification, et il se rééquilibrerait selon un processus déterminé par ses seules caractéristiques internes.

Piaget, à la suite de biologistes comme Jakob von Uexküll et Le Dantec, a développé l'idée "du cycle de processus, c'est-à-dire d'un enchaînement de processus bouclant sur lui-même, de sorte qu'il se perpétue de par le simple fait qu'il s'exécute" (Salvador, 1993, p. 107). L'environnement est inclus dans le cycle: "cycle et milieu sont aussi peu dissociables l'un de l'autre que peut l'être un tourbillon de l'eau dans laquelle il a pris naissance" (Salvador, 1993, p. 107). C'est ce que Piaget a appelé le cycle assimilateur, "processus qui se perpétue en "intégrant" constamment des éléments du milieu que l'on peut considérer comme les "aliments" du cycle. Ces "aliments", en étant intégrés, assimilés, autorisent le déroulement, le fonctionnement du cycle et donc, sa fermeture et sa stabilité" (Salvador, 1993, p. 109). L'organisation "anticipe" les éléments externes pour fonctionner, se stabiliser et fermer le cycle. Si un élément inhabituel se présente, soit le cycle ne parvient pas à se fermer, il ne s'adapte pas et se désorganise; soit il subit des perturbations et ne récupère qu'après de supplémentaires étapes son équilibre: il s'accommode alors; soit, troisième possibilité absente de l'œuvre de Piaget, l'organisation ne fait pas de différence entre l'élément inhabituel et l'élément habituel: l'organisation les assimile l'un à l'autre et le cycle n'est pas modifié. L'accommodation est "la conséquence de la résistance du milieu à son assimilation" (Salvador, 1993, p. 109). Il est à noter que Piaget parlait plutôt de schème que de cycle lorsque l'on dépassait le niveau physico-chimique pour atteindre le niveau comportemental, et que ces notions rejoignent celle d'holon, élaborée par Arthur Koestler, et celle d'intégron, développée par François Jacob, représentant aussi "une totalité composée d'éléments qui peuvent aussi être des schèmes et l'élément d'une totalité englobante qui est aussi un schème, de niveau supérieur" (Salvador, 1993, p. 110).

L'organisation ou le cycle n'intègre de l'environnement que les éléments qui participent à son fonctionnement. Même, l'environnement est défini ces éléments: c'est la notion d'Umwelt d'Uexküll. L'accommodation est le résultat de la résistance de la réalité à son assimilation par l'organisation. L'adaptation est une équilibration "entre un mécanisme assimilateur et une accommodation complémentaire" (Piaget, 1936, p. 13).

Mais le primat assimilateur, et donc autonomiste, bute sur le problème dit des décalages horizontaux. Un schème devrait pouvoir s'appliquer à n'importe quelle portion de la réalité, mais on a remarqué que les sujets pouvaient manifester certaines structures intellectuelles dans certaines situations et pas dans d'autres, et la psychologie différentielle a montré qu'on ne pouvait invoquer une résistance ou une perturbation due à l'objet, car les décalages variaient selon les sujets. L'invocation de l'accommodation aux perturbations et aux résistances de la réalité était donc inopérante.

Faisant un retour à la pensée darwinienne, Salvador relie l'assimilation à la variabilité due au brassage génétique de la reproduction sexuée, qui aurait ainsi tendance à relâcher et à élargir la norme de chaque espèce. à l'accommodation correspondrait la reproduction différentielle, c'est-à-dire la moindre possibilité des variants qui s'éloignent de la tendance centrale de la population à interagir avec leur écosystème, et donc à se reproduire: c'est cela la sélection naturelle, sans laquelle une espèce n'ayant pas à s'accommoder, élargit ses possibilités, comme dans le cas des pinsons des Galápagos. En fait, il n'y a pas de résistance d'une réalité absolue: "l'accommodation est toujours relative aux rapports de codétermination qu'entretiennent entre elles les différentes formes vivantes" (Salvador, 1993, p. 121); c'est le résultat "de relations de compétition, de coopération entre les individus" (Salvador, 1993, p. 121); et donc "l'obligation d'accommodation n'est plus à rapporter à ce qui serait d'incontournables aspérités du "réel", mais bien plutôt aux relations, aux interactions, que l'organisation entretient avec ses collatérales, ou aussi bien, avec l'organisation englobante" (Salvador, 1993, p. 122). C'est de cette façon que la cohérence augmente au fur et à mesure du développement de toute organisation, cognitive ou autre. Ainsi le schème de la succion peut tout assimiler jusqu'à, en entrant en interaction avec la faim, se restreindre au sein, sans qu'il soit nécessaire d'invoquer des "perturbations suscitées par les singularités de l'objet" (Salvador, 1993, p. 123). Si Piaget prétend que l'enfant cesse de tendre les bras vers l'objet lorsque son schème de la préhension rencontre la résistance de cet objet, Salvador rétorque que cette accommodation ne provient pas d'une réalité "en soi", mais du fait que l'enfant a des bras trop courts. En fait, "Le schème de la vision n'a tout simplement pas pu s'assimiler complètement le schème de la préhension, leur relation d'assimilation réciproque s'est vue accommodée" (Salvador, 1993, p. 124). La réalité de l'environnement de l'enfant n'est pas absolue, ni objective, ni éternelle, mais relative à ""sa" réalité d'entité à bras courts" (Salvador, 1993, p. 124). En résumé, "L'enfant n'apprend que ce que son organisation lui permet de concevoir" (Salvador, 1993, p. 124).

Comme Darwin, Salvador propose, plutôt qu'une ontologie objective, ce qu'il appelle une "ontologie processuelle, où rien ne dispose de la permanence idéelle d'une catégorie, d'un type logique" (Salvador, 1993, p. 125), mais où il s'agit, comme Piaget l'a fait, d'adopter une perspective génétique, diachronique et sub-symbolique, où par exemple "un flux permanent à toutes les échelles exclut les modèles de stockage classiques du type des engrammes et impose les modèles de type reconstructions continuelles" (Inhelder, 1977, p. 44). Ainsi, l'ontologie piagétienne permet "la modélisation d'un univers où rien n'est statique, hormis ce que nous décidons arbitrairement de voir tel, un univers où rien n'est autonome, hormis ce que nous décidons arbitrairement de voir tel" (Salvador, 1993, p. 126). L'erreur de Piaget a été de vouloir considérer comme autonome le processus de construction des connaissances, et d'avoir refusé d'invoquer la sélection naturelle pour l'expliquer, car ça aurait été en reconnaître la contingence.

à la dichotomie type/token (type/occurrence), où "les token sont les instances, c'est-à-dire les éléments d'un type logique, d'une classe, et correspondent donc rigoureusement à la définition de leur type" (Salvador, 1993, p. 129), Salvador préfère par exemple le couple plus dynamique schème/événement proposé par Langacker, et propose de considérer les schèmes comme des attracteurs.

 

 

 

II. Éthologie et mimétisme

 

A - Intelligence d'essaim, action collective et imitation

 

Dans un exposé intitulé Intelligence d'essaim, action collective et imitation, fait à un colloque d'Intelligence Artificielle Distribuée, Salvador cherche à montrer que toute action collective est mimétique, à travers "des Systèmes Multi-Agents réactifs - agents dépourvus de capacité de traitement symbolique" (Salvador, 1995, p. 1), comme les fourmis et les termites, afin de traiter l'émergence du mimétisme avant l'apparition de toute imitation "rationnelle, consciente, intentionnelle" (Salvador, 1995, p. 1), cette imitation sophistiquée étant de toute façon subordonnée au mimétisme automatique, mécanique.

Déjà, pour des psychologues du XIXe siècle, tels Baldwin, Tarde, Gustave Lebon, Bagehot, l'imitation était "le principe explicatif des comportements des groupes, des foules et des sociétés de tous ordres" (Salvador, 1995, p. 1). Mais ce principe a été dédaigné par l'individualisme du béhaviorisme, et le cognitivisme a poursuivi cette voie, ne remettant pas en cause le béhaviorisme sur ce point. Le réalisme du cognitivisme consisterait à dire que l'environnement étant "le même pour tous, il stimulerait pareillement les organismes de même constitution qui seraient portés à la même action. En somme, c'est parce qu'ils seraient en rapport avec la même (ipse) cause que les agents auraient le même (idem) comportement" (Salvador, 1995, p. 2). Dans cette perspective, "le comportement de chacun des agents est considéré comme indépendant de celui des autres et comme placé sous la seule dépendance des stimulations environnementales" (Salvador, 1995, p. 3).

Mais "à cette vue individualiste s'oppose l'interprétation plus sociale selon laquelle c'est le comportement manifesté de la part des autres agents qui suscite le même comportement de la part des agents" (Salvador, 1995, p. 3). Ainsi, "la cause du comportement d'un agent vient du comportement des autres agents et non pas du seul environnement" (Salvador, 1995, p. 3), ou du moins, il vient d'un environnement social, intersubjectif, mais pas strictement objectif: "c'est parce que le comportement d'un agent est la cause du comportement d'un autre agent que ces derniers ont le même comportement et, en particulier, la même (idem) orientation vers le même (ipse) stimulus environnemental" (Salvador, 1995, p. 3). On a par exemple raison d'affirmer qu'une foule regarde vers le toit d'un immeuble parce qu'il y a un homme qui menace de sauter, mais "on aura manqué l'essentiel, c'est-à-dire, le fait que chacun des membres de la foule a d'abord regardé dans cette direction à l'imitation des autres" (Salvador, 1995, p. 4).

 

C'est la perspective individualiste qu'a adoptée Grassé pour expliquer le comportement constructeur des termites, dans sa théorie de la stigmergie, théorie selon laquelle à lui seul l'ouvrage (ergon) aiguillonne (stigma) l'agent. Il s'agit là de l'orthodoxe explication béhavioriste sitmulus-réponse. Plus précisément, "L'idée principale est qu'aucune interaction directe n'est nécessaire pour coordonner le travail d'un groupe, mais que les interactions entre le nid et les travailleuses sont suffisantes. Les termites travailleuses modifient leur environnement, fournissant de nouveaux stimuli" (Deneubourg, 1992, p. 125). Pour Grassé, en résumé, "les ouvriers sont indifférents aux actes de leurs semblables" (Grassé, 1959, p. 78).

Mais Grassé, se contredisant, écrit que "L'action stimulante du groupe au travail sur l'individu est manifeste. On constate: 1° Que le nombre des travailleurs au fur et à mesure que la construction avance augmente; 2° Que l'activité individuelle s'accroît d'autant plus que les individus au travail sont plus nombreux." (Grassé, 1959, p. 48). Il invoque la notion de facilitation sociale, sous laquelle se cache le mimétisme, pour expliquer ce phénomène: "Il ne semble pas que les petits groupes échouent parce que leur capacité de travail est trop faible. Leur échec tient à une stimulation sociale insuffisante" (Grassé, 1959, p. 47).

En fait, les termites ne sont pas indifférentes aux actes des autres. Chaque termite se guide à l'odeur de la salive produite sur les boulettes déposées par ses congénères, et donc "Un ouvrier sait donc très bien où ses congénères ont déposé leurs boulettes et ce sera préférentiellement là qu'il ira lui aussi -mimétiquement- déposer la sienne"  (Salvador, 1995, p. 5).

Le comportement constructeur des termites, qu'on l'appelle imitation ou facilitation sociale, est une réaction sensori-motrice circulaire, comme cela a été théorisé par Baldwin et von Uexküll, puis repris par Piaget sous l'appellation de cycle assimilateur ou de schème. "L'imitation peut être définie comme la reproduction par un agent A d'un comportement dont il a perçu la production préalable par un agent B" (Salvador, 1995, p. 6). C'est une réaction circulaire qui "entretient son activité grâce à l'effet stimulant des productions étrangères qui seraient suffisamment ressemblantes ou assimilables aux siennes" (Salvador, 1995, p. 6). Ainsi le schème constructeur d'un termite, produisant un stimulus odorant "terre + salive" sera assimilé par les schèmes constructeurs de ses congénères qui auront donc la même activité. Plus il y a de termites qui construisent, plus elles produisent de stimuli et plus elles incitent d'autres termites à construire.

Grassé prône une causalité linéaire en affirmant que c'est l'édifice qui cause le comportement constructeur des termites, en en faisant une cause première autonome. D'une réaction circulaire, il ne voit que l'arc réflexe avec son input et son output, critiqué par John Dewey, von Uexküll, Varela, etc. En fait, "l'édifice n'est que le point de convergence et d'accumulation d'un ensemble de réactions circulaires qui se sont imitées les unes les autres par l'assimilation réciproque de leurs productions" (Salvador, 1995, p. 7).

La stigmergie illustre l'histoire de la psychologie scientifique, où le rôle constructeur de l'imitation entre agents a été généralement écarté par l'invocation de causes similaires qui agissent de façon identique sur tous les agents, expliquant ainsi l'identité de leurs comportements. Si un canard, enfermé dans un enclos, s'échapperait par un trou du grillage, des psychologues comme Watson, plutôt que de parler d'imitation, parleraient d'accentuation du stimulus environnemental, rendu plus saillant par le premier canard. Ils placeraient la causalité sur le trou, responsable de la similarité du comportement des canards, et occulteraient la convergence mimétique.

Classiquement, le fait que les fourmis suivent les pistes marquées de phéromones par leurs congénères est classiquement considéré comme "un acte de réception et décodage d'une communication avec réaction adaptée" (Salvador, 1995, p. 9), jamais comme un cas d'imitation. Pourtant, la fourmi reproduit le comportement d'une autre fourmi. Présenter la phéromone comme moyen de communication équivaut à en faire la cause première du comportement de la fourmi, et surtout en occulte l'aspect mimétique. Mais la phéromone n'est qu'une étape du schème explorateur que possède chaque fourmi, et qui lui permet d'assimiler la phéromone du schème des autres fourmis et de lui donner la signification adaptée. La phéromone n'est pas responsable du comportement. La responsabilité est distribuée sur tous les éléments du schème explorateur de la fourmi, dont la reproduction par d'autres fourmi est un phénomène mimétique. C'est l'indépendance topologique de la phéromone par rapport au corps de la fourmi qui nous la fait considérer comme indépendante du schème.

En fait, toute communication peut être considérée comme "la reproduction chez le "récepteur" du signifié qui était présent chez l'émetteur." (Salvador, 1995, p. 10), et donc il s'agit d'une imitation  du signifié présent chez le récepteur, le signifié qui pour Piaget était un schème. Comme pour les autres comportements, Salvador veut mettre en garde les chercheurs "contre l'emploi d'une communication ou d'une symbolique toute faite. La communication doit émerger de l'interaction entre les agents et l'imitation se révèle alors incontournable." (Salvador, 1995, p. 10). Ainsi "l'opération structuraliste qui consiste à se donner un symbolique autonome s'imposant pareillement à tous les agents" se prête à la critique suivante: "on ne peut expliquer la similitude des signifiés par l'identité, l'ipséité ou l'universalité du signifiant car rien n'autorise à en faire une cause première. Il serait donc préférable d'admettre que, comme le stimulus "terre + salive" des termites ou les phéromones des fourmis, le signifiant est engendré au point de convergence - mimétique - de schèmes ou de signifiés semblables." (Salvador, 1995, p. 10).

Donc, contre l'idée de l'action collective comme étant "l'effet réitéré d'une seule et même cause, le même (ipse) stimulus suscitant la même (idem) activité" (Salvador, 1995, p. 11), Salvador préfère à l'inverse considérer que l'idem produit l'émergence de l'ipse par l'imitation des agents par rapport au même aspect de l'environnement. Ainsi, si on dit qu'on ouvre son parapluie parce qu'il pleut (ipse), on occulte l'apprentissage social entre agents (idem) qui se produit dans certaines contrées. Ainsi, on fait comme s'il y avait une réalité déjà là, et on occulte la part construite de cette réalité. Un troupeau d'herbivores n'existe que parce qu'il y a une tendance mimétique, dite grégaire à occuper le même espace, ce que des biologistes ont voulu nommer par l'euphémisme interattraction. La notion de connaissance mutuelle de la psychologie cognitive, indiquant que des agents partagent la même représentation (ipse), ne voile-t-elle pas le fait que les agents s'influencent d'abord, créant cette similitude par imitation? "La perspective mimétique [...], en mettant en évidence l'efficacité avec laquelle l'imitation peut orienter l'attention de toute population d'agents sur un même aspect de l'environnement, elle permet de comprendre pourquoi l'attention est, précisément, toujours détournée de l'imitation, et pourquoi c'est toujours l'entité sur laquelle la population s'est mimétiquement polarisée qui semble régir son comportement." (Salvador, 1995, p. 14).

Selon Salvador, l'Intelligence Artificielle Distribuée est plus à même de déconstruire les phénomènes collectifs car elle insiste sur la multiplicité des agents plutôt que sur l'unité de l'action collective.

 

 

B - René Girard et l'hominisation

 

Dans ce texte, Salvador essaie de voir la cohérence de la théorie sacrificielle de René Girard avec les observations éthologiques, en particulier celles de Frans de Waal.

Selon Girard, il y a dans l'évolution des primates une augmentation des capacités mimétiques. Le mimétisme amène les agents à avoir le même désir du même objet, ce qui les rend rivaux. L'augmentation du mimétisme entraîne donc l'augmentation de la rivalité. Il viendra un moment où, avec l'augmentation du mimétisme, les "dominance patterns" (structures hiérarchiques des sociétés animales) ne seront plus un obstacle suffisant. La violence se répandra, car elle sera elle-même imitée. Une rétroaction positive fera que la violence d'un contre un, puis de deux contre un, deviendra la violence unanime de tous contre un, réunissant le groupe autour d'une seule victime de la crise. Avec le rassemblement de la communauté dans la destruction de cet objet de violence, la paix sera restaurée. La victime sur laquelle s'est polarisée la communauté sera jugée responsable de l'ensemble des événements. Avec la répétition du processus, les significations se fixeront sur la victime, ainsi divinisée, à qui sera conféré le pouvoir d'amener la crise, comme de ramener la paix. De sa vie provient le chaos, et sa mort restaure la paix, transcendant les oppositions, pouvant être considérée comme bénéfique ou comme maléfique selon la perspective adoptée. Les interdictions culturelles qui émergeront peu à peu, se fixant sur les objets suscitant rivalités et conflits; c'est ainsi qu'apparaîtront les tabous alimentaires, la prohibition de l'inceste. Les rites religieux, comme des vaccins, viseront à prévenir la contagion de la violence dans la communauté. Un facteur d'hominisation, comme le développement du cerveau après la naissance, fragilisant l'enfance, qui n'est possible que si la violence est réduite au sein de la communauté, est ainsi permis.

Mais en fait il n'est pas possible de considérer les dominance patterns comme des freins à la montée de la violence. Il est difficile d'admettre la viabilité de groupes sociaux aussi instables que ceux supposés par René Girard, où le mimétisme augmenterait, et avec lui les rivalités, les conflits, sans que la hiérarchie ne puisse être encore renversée, les dominance patterns étant encore trop présents. Il faut que l'augmentation des capacités mimétiques aille de pair avec des structures sociales adaptées, sans rupture catastrophique hautement improbable. Peut-être n'y a-t-il pas exclusion entre ces deux formes de régulation de l'agressivité que sont les dominance patterns et le mécanisme victimaire. Le mécanisme victimaire est peut-être déjà présent chez les animaux, sans rupture avec l'apparition des humains. Il peut y avoir un phénomène dit de préadaptation du mécanisme victimaire, comme la vessie natatoire des poissons a pu servir d'organe de respiration aux premiers êtres vivants venus sur terre, les branchies des poissons ne devenant pas subitement les poumons des batraciens.

Lors des premières occurrences du processus victimaire, les dominance patterns étaient encore présents, et avec eux les différences entre jeunes et vieux, mâles et femelles, la disparition dans une crise de ces différences ne pouvant apparaître au maximum qu'avec les humains. Si pour Girard, "il faut concevoir le mécanisme victimaire sous des formes d'abord si grossières et élémentaires que nous pouvons à peine nous les représenter." (Girard, 1978, p. 105), il n'avait toutefois pas les outils éthologiques pour décrire le processus de socialisation de l'animal à l'humain.

Par exemple il écrivait que "Si, au lieu de se jeter des branchages comme ils le font parfois, les chimpanzés apprenaient à se jeter des pierres, leur vie sociale serait bouleversée. Ou bien l'espèce disparaîtrait, ou bien comme l'humanité il lui faudrait se donner des interdits. Mais comment fait-on pour se donner des interdits?" (Girard, 1978, p. 96). Mais Frans de Waal a observé des chimpanzés mâles paradant avec des pierres, que des femelles leur retiraient des mains. Elles régulaient ainsi la violence, sans considération pour les dominance patterns, ce qui prouve qu'il n'y a pas que des relations entre dominants et dominés. Frans de Waal fait aussi l'observation de deux femelles qui voyant leurs enfants se battre entre eux, font appel à une femelle dominante pour arbitrer le conflit, au lieu d'intervenir elles-mêmes, car elles auraient pu se battre entre elles à leur tour, chacune pouvant vouloir empêcher l'autre d'intervenir dans la dispute. Les femelles, de rang équivalent, ont ainsi évité un conflit mimétique en faisant par un détour appel à un tiers dominant. Un autre moyen d'éviter les conflits consiste dans les toilettages amicaux, particulièrement fréquents lors des périodes de prise de pouvoir. Ainsi, une femelle peut amener deux mâles à la toiletter, puis elle s'éclipse, amenant les deux mâles à se toiletter. De Waal remarque que "les femelles en œstrus n'ont jamais été observées jouant les médiatrices; cela se comprend car elles ne représenteraient qu'un élément de dissension supplémentaire entre rivaux" (Waal, 1987, p. 106). De Waal constate l'énorme dépense de temps et d'énergie consacrée à éviter les conflits.

Les femelles sont très concernées par la quiétude de la communauté. Le mâle au sommet de la hiérarchie a pour fonction de maintenir la paix. S'il n'est pas efficace, si des tentatives "terroristes" de chimpanzés ambitieux parviennent à le déstabiliser, le "corps électoral" des femelles en choisira un autre. Il y a donc, non seulement des mécanismes de dominance, mais aussi des mécanismes de réconciliation, de coalition, qui sont des facteurs de hiérarchisation.

Le mécanisme victimaire n'apparaît pas nécessairement dans une société hiérarchiquement déstructurée, bien au contraire il naît dans une société animale saine. René Girard notait la possibilité dans les sociétés animales de rites d'alliances, où un individu ébauche un comportement agressif sur un autre pour le détourner sur tiers, pouvant ainsi déclencher mimétiquement une agression commune contre ce tiers, entraînant une réconciliation. En somme, "Dans ces rites animaux, nous avons tout ce qu'il faut pour comprendre le passage de la société animale à la société humaine." (Girard, 1978, p. 107).

L'éthologue Boris Cyrulnik rapporte les travaux de Thorleif Schjelderup-Ebbe, selon lesquels il y a dans chaque poulailler d'une poule brimée, agressée, défavorisée, fragilisée; et, si elle est ôtée, les combats hiérarchiques reprennent, et c'est le groupe entier qui s'affaiblit, jusqu'à ce qu'il y ait une nouvelle poule émissaire, et ainsi le groupe pourra à nouveau "décharger son agressivité sur cet individu sacrifié" (Cyrulnik, 1983, p. 264). Cette poule est d'autant plus brimée que l'espace est réduit, et alors, si elle est ôtée, "c'est le groupe tout entier qui va exploser et s'acharner à se détruire" (Cyrulnik, 1983, p. 264). Cette poule sacrifiée est sélectionnée, comme les personnes sacrifiées, sur des anomalies sensorielles ou comportementales. Schjelderup-Ebbe a remarqué que c'était une poule dont il avait peint la crête en bleu ou rendu la démarche boitillante qui était "attaquée et désignée comme victime émissaire" (Cyrulnik, 1983, p. 264) dès que des tensions surgissent dans le groupe. On ne peut pas douter de la fonction de régulation de ce processus, "le désordre résultant du retrait de la poule émissaire en étant la meilleure preuve" (Salvador, 1991, p. 75). La présence de ce mécanisme de régulation de la violence intestine en l'orientant contre un seul est un facteur favorisant la survie des sociétés en disposant par rapport aux autres. En tout cas, l'exemple des poules prouve que le mécanisme victimaire peut se développer sans que la hiérarchie soit contestée, de façon non pas catastrophique mais au contraire continue, selon l'augmentation de la violence intestine.

Si on trouve déjà chez des gallinacés de tels comportements, on doit s'attendre à trouver des phénomènes encore plus sophistiqués chez des animaux au psychisme plus évolué, comme les chimpanzés. Et effectivement, on a pu observé des comportements de chasse collective, ayant pour objet préférentiel un autre primate. Après la traque, la capture et le dépeçage de la proie par des mâles adultes, il y a un partage pacifique de la viande entre tous les individus du groupe, sans considération du rang de chacun. Comme tout le groupe participe à ce rite, cela contredit l'ultime distinction faite des rites humains et animaux par René Girard: "Une différence essentielle entre les rites humains et les rites animaux [...], c'est que les seconds, à ma connaissance, n'impliquent jamais un nombre suffisant de partenaires pour ressembler aux rites fondamentaux de l'humanité, qui rassemblent toujours un groupe social dans son entier." (Girard, 1978, p. 108). Pour Géza Teleki, la chasse des chimpanzés n'a que peu de motivation nutritive: "Dans plusieurs cas ceux qui ont amorcé la prédation ont consommé plus de 20 bananes. Puisque manger des bananes n'est pas supposé stimuler une urgence à manger, il semblerait raisonnable de supposer que le comportement prédateur a plus d'autres fonctions que celle de nourrir." (Teleki, 1973, p. 113). Il s'agit d'une fonction sociale: "ce qui est le plus important ici, c'est le comportement qui accompagne l'action prédatrice: la coopération au cours de la poursuite, et le cérémonial de partage de la proie." (Teleki, 19xx, p. 171).

Ainsi, de nombreux cas répertoriés par l'éthologie permettent d'établir l'existence de phénomènes victimaires dans des sociétés animales, c'est-à-dire la construction de liens "amicaux" à partir de l'agression collective menée contre un tiers. L'évolution de ces phénomènes ne peut être que graduelle, une société ne pouvant pas supporter l'augmentation de la violence due au mimétisme en attendant un processus catastrophique palliant à la déstructuration de la société. Ainsi la disparition des différences, de la hiérarchie ne serait pas l'amorce du processus d'hominisation, comme l'a cru René Girard, mais au contraire son aboutissement, lorsque l'efficacité croissante des rites de régulation permettent des débordements de violence mimétique. Le meurtre non plus n'est pas au bout du processus, mais au cours de celui-ci.

 

 

 

Conclusion

 

Ce qu'on retrouve dans toutes ces études de Luc-Laurent Salvador, c'est l'insistance apportée contre l'idée d'une réalité prédonnée et objective, d'un environnement déjà là. Il opte à chaque fois à montrer l'enchevêtrement des relations entre organismes, qui construisent leur environnement, leur "monde", à travers leurs relations entre eux, et en particulier par le mécanisme de convergences mimétiques. Il propose, contre toutes les causalités unilatérales, des causalités circulaires et des processus cycliques qui permettent d'engendrer des formes stables, qui n'existaient pas auparavant. C'est en particulier ce qui se passe avec un phénomène comme le mimétisme: des individus ne se comportent pas de façon semblable parce qu'ils seraient déjà semblables a priori, mais ils se comportent de façon semblable parce que le mimétisme les rend identiques.

 

 

 

Bibliographie

 

Boris Cyrulnik  (1983) Paroles d'homme et mémoire de singe, Paris, Hachette.

Charles Darwin (1985) L'origine des espèces, Paris, La Découverte.

J. L. Deneubourg, G. Theraulaz, R. Beckers (1992) "Swarm-Made Architectures", in Varela F. J. & Bourgine P. (eds.) Toward a Practice of Autonomous System, Cambridge, MIT Press.

H. G. Gadamer (1975) Vérité et méthode, Paris, Seuil.

René Girard (1978) Des choses cachées depuis la fondation du monde, Paris, Grasset.

Pierre-Paul Grassé (1959) "La reconstruction du nid et les coordinations interindividuelles chez Bellicositermes Natalensis et Cubitermes sp. La théorie de la stigmergie: essai d'interprétation du comportement des termites constructeurs. Insectes Sociaux, 6, 41-80.

B. Inhelder, R. Garcia & J. Vonèche (1977) Épistémologie génétique et équilibration, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé.

Jean Piaget (1936) La Naissance de l'Intelligence chez l'Enfant, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé.

Luc-Laurent Salvador (1991) Girard et l'hominisation, non publié.

Luc-Laurent Salvador (1992) "Évolution et herméneutique (Vers une écosystémique de la cognition)"; in Revue internationale de systémique, volume 6, N° 3, 1992, p. 185 à 203.

Luc-Laurent Salvador (1993) "Pour un relativisme interactionniste conséquent - de Piaget à Darwin et retour"; in Intellectica, 1993/1, 16, pp. 101-131.

Luc-Laurent Salvador (1995) Intelligence d'essaim, action collective et imitation, communication faite au colloque d'Intelligence Artificielle Distribuée de Saint-Malo en avril 1995.

Géza Teleki (1973) The predatory behavior of wild chimpanzee, Associated University Press.

Géza Teleki (19xx) "Les chimpanzés omnivores", Pour la science, Paris, Belin.

Frans de Waal (1987) La politique du chimpanzé, Paris, Rocher.