La stavudine et la richesse des laboratoires

 

 

Sources: 

[A] radio France Culture, "La rumeur du monde", samedi 9 février 2002, 12h00.

[B] Philippe Demenet: "Le scandale stavudine. Ces profiteurs du sida", dans Le monde diplomatique, Nº 575, février 2002, p. 1 et 22-23 [republié dans Manière de voir, Nº 73, février-mars 2004: Apartheid médical, p. 72-76].

[B] Philippe Rivière: "Offensive sur les prix des médicaments", dans Le monde diplomatique, Nº 575, février 2002, p. 23.

 

En 1966, la stavudine est synthétisée par le Dr Jerome Horowitz, de la Michigan Cancer Foundation, grâce à un financement public du National Cancer Institute. [B:22]

La stavudine ou d4T est un inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse du VIH, de la famille de l'AZT. [B:1]

Le Dr William Prusoff et le Dr Tai-Shun Lin, de l'université de Yale, mettent en évidence les propriétés de la stavudine dans le traitement du sida, avec à 80 % les fonds publics fédéraux du National Institute of Health (NIH). [A, B:1]

Le brevet est déposé en 1986. [B:22]

En 1988, Yale concède à la firme pharmaceutique Bristol-Myers Squibb les droits exclusifs d'exploitation sur son invention.

Mise sur le marché en 1994 [B:1], sous le nom de Zerit® [B:22].

BMS vend la tablette de 40 mg à 4,28 dollars en moyenne (la dose journalière est de deux tablettes). [B:22]

Bristol-Myers Squibb exploite exclusivement les brevets, en échange de royalties à Yale (261 millions de dollars depuis 1994) qui en reverse une partie à Prusoff, qui touche 6 millions de dollars par an. [A, B:22]

En 1998, part de la trithérapie, la stavudine devient l'antiviral le plus prescrit sur Terre. [B:22]

En deux ans et demi (1998 à la mi-2000), 2,3 milliards de dollars de stavudine sont vendues. [B:22]

BMS prétend que ce qui coûte le plus cher, ce n'est pas la création, mais l'expérimentation sur des humains

Le 19 mars 2001, dans une tribune du New York Times, Prusoff affirme qu'entre le concept et la mise sur le marché, il faut 500 à 800 millions de dollars d'études, et avance le chiffre de 13000 personnes ayant expérimenté la stavudine. Il reconnaît après qu'il répète ce qu'on lui a dit chez BMS. [A, B:22]

Ce chiffre de 500 à 800 millions de dollars provient du Pharmaceutical Research and Manufacturers of America (PhRMA), le lobby des firmes pharmaceutiques, et du Tufts Center for the Study of drug development, un centre recherche sponsorisé à 65 % par l'industrie du médicament. Mais ces organismes calculent le coût de molécules développées sans aide de l'État, et majorent les sommes par le "coût d'opportunité", c'est-à-dire des dividendes qu'auraient rapporter les sommes investies si elles avaient été placées en bourse, ce qu'elles ne font pas pour les investissements publics qu'elles sous-évaluent ainsi. [B:22&23]

Or l'organisme indépendant de défense des consommateurs fondé par Ralph Nader, Public Citizen, estime à 110 millions de dollars la somme maximum dépensée par une firme privée pour faire aboutir une entité chimique totalement nouvelle. [B:22]

Myers n'a pas expérimenté sur plus de 2000 ou 3000 personnes, et seules 822 expérimentations humaines sont répertoriées par la FDA. [A]

James Love, du Consumer Projet on Technology estime que le développement de la stavudine n'aurait pas coûté plus de 15 millions de dollars à BMS. [A:23]

 

En 2001, 39 filiales ont attaqué le gouvernement sud-africain qui avait fait une loi contre l'exclusivité des brevets pour des raisons sanitaires.[A, B]

Lorsque le juge a demandé aux firmes d'ouvrir leurs livres de compte, elles ont préféré cesser leurs poursuites judiciaires [A, B:23] le 19 avril 2001.

Les profits les plus élevés sont annoncées par des firmes pharmaceutiques: 15 à 25 % du chiffre d'affaires. [A, B:1]

 

En décembre 2001, Alan Sager et Deborah Socolar, chercheurs à la School of Public Health de l'université de Boston, ont publié une étude comparative sur la progression des effectifs. l'industrie pharmaceutique emploie presque deux fois plus de personnel (81 %) dans le marketing que dans la recherche. Et l'écart s'est considérablement creusé en cinq ans. Pour sa part, BMS a dépensé, en 2000, 3,86 milliards de dollars dans le marketing et l'administration contre 1,93 milliard pour la recherche et le développement. [B:23]

Dans les pays où les médicaments sont à prix administrés (décidés par le gouvernement en concertation avec les industriels), les prix sont inférieurs à la moyenne européenne, alors que dans les pays pratiquant des prix libres, les tarifs sont supérieurs  (deux à trois fois plus aux USA qu'en Europe). [C]