Accueil du site

Sommaire des infos

L'informateur

Cont@ct

 

La psychanalyse et les traumatismes des enfants violés

 

 

Sources :

[A] Sándor Ferenczi: Psychanalyse IV, Œuvres complètes 1927-1933 (Payot, 1982).

[B] Sigmund Freud, 1905: Trois Essais (Gallimard, 1987).

[C] Sigmund Freud et Sándor Ferenczi: Correspondance 1920-1933 (Les années douloureuses) (Calmann-Lévy, 2000)

[] Marc-André Cotton: La véritable histoire d'Œdipe

(www.regardconscient.net/archives/0104oedipe.html ou www.motus.ch/dossiers/psychanalyse/oedipe.pdf).

[IA] Isabelle Aubry, en collaboration avec Véronique Mougin: La première fois, j'avais six ans... (Pocket, 2008) [index].

Lire surtout :

Jeffrey Moussaief Masson : Le Réel escamoté. Le renoncement de Freud à la théorie de la séduction (Aubier, Paris, 1984).

 

 

À une époque où des tabous (sexuels) tombent, où les langues se délient et où de plus en plus de personnes osent parler des sévices sexuels qu'ils ont subis de parents, de prêtres, d'enseignants ou d'autres adultes ayant l'autorité sur eux, on imagine mieux l'ampleur de ce qui était auparavant dissimulé.

 

 

Une expression de Sigmund Freud a été souvent reprise de façon tronquée, c'est celle de l'enfant comme « pervers polymorphe » ; or si on cite l'affirmation de Freud dans les Trois Essais de 1905, dans le texte intitulé « La disposition perverse polymorphe », on comprend que c'est un effet de l'intrusion sexuelle de l'adulte, et l'accusation en est renversée:

 

« les influences extérieures de la séduction peuvent interrompre ou supprimer la phase de latence et la pulsion sexuelle de l'enfant se révèle alors perverse polymorphe » (Gallimard, 1987).

 

« Il est intéressant de constater que l'enfant, par suite d'une séduction, peut devenir un pervers polymorphe et être amené à toutes sortes de transgressions. Il y est donc prédisposé. » (Trois essais sur la théorie de la sexualité, Gallimard - coll. Idées 1962, p. 86).

 

Autre traduction:

« Il est instructif de constater que, sous l’influence de la séduction, l’enfant peut devenir pervers polymorphe et être entraîné à tous les débordements imaginables. Cela démontre qu’il porte dans sa prédisposition les aptitudes requises ; leur mise en acte ne rencontre que de faibles résistances parce, que suivant l’âge de l’enfant, les digues psychiques qui entravent les excès sexuels : pudeur, dégoût et morale, ne sont pas encore établies ou sont seulement en cours d’édification » (Trois essais sur la théorie sexuelle, Folio Essais, p. 118)

 

 

« L’événement duquel le sujet a gardé le souvenir inconscient est une expérience précoce de rapports sexuels avec irritation véritable des parties génitales, suite d’abus sexuel pratiqué par une autre personne et la période de la vie qui renferme cet événement funeste est la première jeunesse, les années jusqu’à l’âge de huit à dix ans, avant que l’enfant soit arrivé à la maturité sexuelle » (L’hérédité et l’étiologie des névroses, Œuvres complètes, t. III, p. 116).

 

« Les traumatismes infantiles agissent après-coup comme des expériences neuves, mais alors de façon inconsciente » (Nouvelles remarques sur les psychonévroses de défense, Œuvres complètes, p. 128, note 1)..

 

« […] ces traumatismes sexuels doivent appartenir à la première enfance ( à l’époque d’avant la puberté ) et leur contenu doit consister en une irritation effective des organes génitaux (processus ressemblant au coït) » (Nouvelles remarques sur les psychonévroses de défense, Œuvres complètes, p. 124).

 

« […] les traumas d’enfant, peuvent en même temps poser le fondement pour la neurasthénie qui se développe ultérieurement. Enfin, le cas n’est pas rare non plus où une neurasthénie, ou une névrose d’angoisse, au lieu d’être maintenue dans son existence par des nuisances sexuelles actuelles, ne l’est que par un souvenir de traumas d’enfant, qui continue à agir » (Nouvelles remarques sur les psychonévroses de défense, Œuvres complètes, p. 129).

 

 

Redécouverte par Sandor Ferenczi

 

« Freud avait déconseillé à Ferenczi de donner sa conférence; Brill, Eitingon et van Ophuijsen ont trouvé celle-ci "scandaleuse" et voulaient absolument l'interdire. À en croire Jones, c'est grâce à sa médiation que Ferenczi a quand même pu la présenter (Jones, III, p. 198-199). La conférence «Les passions des adultes et leur influence sur le développement sexuel et caractériel des enfants» («Confusion de langue entre les adultes et l'enfant» [Ferenczi, 1933, 294], Psychanalyse, IV, p. 125-137) ouvrait la partie scientifique et «n'a pas fait une impression particulière» (Eitingon à Freud, le 4.IX.1932, SFC). Ferenczi savait déjà qu'il souffrait d'une anémie pernicieuse. [Sigmund Freud et Sándor Ferenczi: Correspondance 1920-1933 (Les années douloureuses), Calmann-Lévy, 2000, p. 503]

 

« J’ai pu, tout d’abord, confirmer l’hypothèse déjà énoncée qu’on ne pourra jamais insister assez sur l’importance du traumatisme et en particulier du traumatisme sexuel comme facteur pathogène. Même des enfants appartenant à des familles honorables et de tradition puritaine sont, plus souvent qu’on n’osait le penser, les victimes de violences et de viols. Ce sont, soit des parents eux-mêmes qui cherchent un substitut à leurs insatisfactions, de cette| façon pathologique, soit des personnes de confiance, membres de la même famille (oncles, tantes, grands-parents), les précepteurs ou le personnel domestique qui abusent de l’ignorance et de l’innocence des enfants. L’objection, à savoir qu’il s’agissait des fantasmes de l’enfant lui-même, c’est-à-dire de mensonges hystériques, perd malheureusement de sa force, par suite du nombre considérable de patients, en analyse, qui avouent eux-mêmes des voies de faits sur des enfants. » (Sandor Ferenczi, Confusion de langue entre les adultes et l'enfant, Petite Bibliothèque Payot, 2004, p. 41-42)

 

 

Témoignage d'une personne violée par son père, dans son rapport avec les dénis de la psychanalyse contemporaine:

 

C'est ce que vit la fondatrice de l'Association Internationale des Victimes de l'Inceste, Isabelle Aubry:

« Parallèlement à mon analyse, j'assiste à des conférences, des colloques et autres cours magistraux donnés par les disciples de Sigmund. Et je me rends compte qu'avec son complexe d'Œdipe à la noix, il est facile de rejeter la faute de l'inceste sur les gosses eux-mêmes. Exactement la défense de mon père... Les silences de mon psy, son côté «êtes-vous sûre de n'avoir pas fantasmé sur votre père?», tout cela finit par me dégoûter. Quand je quitte définitivement son cabinet, au bout de six ans d'analyse, je suis dans un état plus lamentable que lorsque j'y suis entrée. » [Isabelle Aubry, en collaboration avec Véronique Mougin: La première fois, j'avais six ans..., Pocket, 2008, p. 190]

 

 

 

Le dimanche 14 août 2016, sur France Inter, dans sa chronique qui se targue, comme son titre l'indique, de combattre les Idées reçues*, en l'occurrence que « pour Freud tout est sexuel » (0mn10-11s), la psychologue Stéphanie Torre en répète une, celle selon laquelle Freud a « affirmé que les enfants sont tous des pervers polymorphes » (0mn53-56s). Or, Freud ne qualifie pas ainsi tous les enfants, mais ceux victimes d'abus sexuels : « l'enfant, par suite d'une séduction, peut devenir un pervers polymorphe » (Trois essais sur la théorie de la sexualité, Gallimard - coll. Idées 1962, p. 86).

Elle insiste sur l'ignorance de ses adversaires :

« Faire de l'érotisme le ressort primordial des conduites humaines est tout de même hautement suspect; comme s'ils n'avaient jamais, mais alors jamais, ouvert le moindre livre du célèbre Viennois. » (1mn23-33s)

« {...] dénoncer une chose pareille n'est réellement envisageable qu'à condition de méconnaître son sujet; sinon comment l'ignorer? » (1mn46-52s)

* « Chaque semaine dans la matinale du week-end, la psychanalyste Stéphanie Torre analyse et déconstruit les idées reçues du quotidien. »

https://www.franceinter.fr/emissions/idees-recues/idees-recues-14-aout-2016

 

 

Le jeudi 31 mai 2018 seulement, j'apprends par Marie Balmary (sur France Culture) que Sigmund Freud a accusé son père Jakob Freud d'abus incestueux envers certains de ses enfants, dans des lettres à son ami Wilhelm Fliess les 8 et 11 février 1997 :

« Malheureusement mon propre père était un de ces pervers, il est cause de l’hystérie de mon frère (dont les symptômes sont dans l’ensemble des processus d’identification) et de certaines de mes sœurs cadettes. »

Freud, The Complete Letters of Sigmund Freud to Wilhelm Fliess 1887-1904, p. 230 et 231 (lettre des 8 et 11 février 1897). 

http://ww3.haverford.edu/psychology/ddavis/ffliess.html

Sigmund Freud : Lettres à Wilhelm Fliess, 1887-1904 PUF, 2006, p. 294

Philippe Laporte : "Freud et son père", http://www.regardconscient.net/archives/0212jakobfreud.html.