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Son compagnon |
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Chapitre I |
Mercredi 13 mars 2002 23h
je suis rentré seul ce soir. Ghislaine est morte. Tu es morte. Je suis devant mon anxiolytique quotidien: le programme télévisé. Cela me semble surréel, irréel, surtout que je ne t'ai plus revue depuis les derniers mots que j'ai échangés ce midi avec toi avant que la flèche du feu orange ne s'allume. A quelques tours de pédalier de ta mort. Je ne parviens pas à me souvenir de ce que j'avais voulu te dire là. Je crois que tu m'avais demandé un baiser comme tu le faisais si souvent à chaque arrêt à vélo.
Cela me semble d'autant plus sur- ou ir-réel que ce qui est advenu fait partie de ce que j'imagine souvent, contrairement à ceux dont on dit qu'ils pensent que ça n'advient qu'aux autres.
Je n'ai revu que ton vélo, une relique biscornue que j'ai été chercher ce soir au commissariat de l'arrondissement où tu es morte. Quelque programme radiophonique, autre anxiolytique équivalent au présent, bruitait dans mes oreilles. Le vélo posé sur la roue avant, je soulevai son arrière tordu sur les quatre kilomètres qui me séparaient de chez moi. On nous regardait, le vélo et moi, et personne ne m'a parlé. Peut-être sans la radio aurais-je entendu...
Avant de commencer à écrire, j'imaginais des phrases mais je ne savais pas que j'allais te tutoyer.
Là j'entends des pas dans l'escalier et j'espère, j'imagine que c'est toi. Leur bruit rythmé s'atténue dans des étages supérieurs.
Je pense à sa mère, son père, sa sœur, ses amies, son beau-frère, ses collègues, son neveu et son neveu à naître, sa grand-mère. Pour beaucoup, la plupart qui la connaissent depuis plus longtemps que moi, c'est plus terrible que pour moi.
Il faut que le lecteur comprenne quelques choses qui ne sont pas des paroles de circonstance. Ghislaine était la meilleure personne que j'ai connue (de près): la plus généreuse, gentille, tendre, la plus confiante. Trop pour ne pas en souffrir. Comme sa mort, c'est une injustice. François Gros survit à Mirko Beljanski, mort de chagrin. Elle avait tant à apporter, surtout aux enfants, avec son imagination enfantine. Elle savait inventer les histoires qui plaisaient aux autres enfants comme elle. Ces derniers jours, je la voyais dessiner les premiers dessins d'une histoire de monstre chéri; je me rappelle sa joie lorsque j'ai scanné et imprimé les deux premiers dessins. Je veux que les quelques créations qu'elle a produites servent et ne tombent pas dans l'oubli, qu'elles amusent, voire émerveillent des enfants dont elle ne verra jamais la joie.
Je n'aimais guère ce monde, le seul monde, cette société, qui n'est pas la seule société. On sacrifie, on écrase, on pollue, on empoisonne sur l'autel de la vitesse, de la rentabilité. Sans sagesse traditionnelle, c'est la folle et aveugle course en avant vers un futur qu'on ne pense pas.
Ce qui me maintient, c'est la curiosité de découvrir ce futur, celui des humains, le mien, si déviant (je ne trouve pas d'autre mot) dans une vie expérimentale.
Ça paraîtra ridicule, mais j'ai plusieurs fois pensé aujourd'hui qu'on perdait les deux voix de son vote pour l'élection présidentielle française: tous les deux nous aurions voté pour le candidat écologiste Noël Mamère au premier tour, Noël Mamère qui lorsque j'étais un teen-ager m'a marqué et formé par son émission télévisée "C'est la vie", sur des problèmes de société révoltants. Au second tour, nous aurions voté pour le moins pire, c'est-à-dire contre le plus malhonnête, le plus opportuniste c'est-à-dire contre Jacques Chirac, probablement pour Lionel Jospin.
Avec Ghislaine, c'est une voix pure, juste qui disparaît. Je perds l'amie avec laquelle j'avais le plus d'accords. Pourtant, nous trouvions toujours le moyen de se disputer, car nous ne fonctionnions pas de la même façon: moi logiciste, rationnel, toi affective, émotive.
Comment est-elle morte? es-tu morte? je sais, on m'a dit plutôt qu'un tracteur de semi-remorque t'avait percutée alors qu'il tournait à droite, que tu es passé sous ses roues arrières gauches, que le chauffeur, un homme de 40-45 ans, s'est enfui sur le boulevard périphérique alors qu'un scooter le suivait, qu'il zigzaguait pour ne pas être rattrapé, que lorsqu'il est sorti du périphérique la police l'a intercepté. D'après ce que j'ai compris, tu as été percutée à 12h25, déclarée morte à 13h02, mais tu es morte sur le coup et aucune tentative de réanimation n'a réussi. Si on n'avait pu te maintenir un souffle de vie jusqu'à un hôpital, on aurait eu le temps de te prélever des organes. Il y avait du sang de ta tête sur la chaussée, ta poitrine découverte par les secouristes, pour les massages cardiaques. J'ai demandé à la police si je pourrais te photographier demain.
Que s'est-il passé avant? et pendant, alors que j'étais à côté de la plaque, loin de la flaque de sang. Je me suis couché très tard, à cause de la réinstallation d'internet dans mon studio. Tu as peu dormi, de ton sommeil très, trop léger. Tu as essayé ton nouveau soutien-gorge, trop petit pour tes seins, et j'ai eu envie de te faire l'amour. Tu m'as sucé, tu t'es mise sur moi, puis nous nous sommes trouvés mieux moi sur toi. Tu m'as reproché de n'avoir eu le temps de n'avoir eu qu'un orgasme. A 10h30, j'ai téléphoné comme prévu à ma mère qui a précisé pour 12h30 le déjeuner chez elle. A 11h tu es partie chez toi prendre des lentilles de contact. Je t'ai proposée que nos nous rejoignions devant l'Opéra. A 11h50 Je t'ai appelée et tu as préféré que je te rejoigne devant chez toi où je ferai sonner ton téléphone. Je l'ai fait sonner deux fois dont une avant même d'arriver. Il faisait soleil et j'ai été étonné de te voir apparaître si vite. Tu m'as dit que tu t'apprêtais à sortir lorsque j'ai fait sonner ton téléphone. Tu souriais. J'ai attendu que tu passes pour faire demi-tour et tu m'as suivi. J'étais déjà loin de toi lorsque j'ai fait demi-tour et ai photographié l'arrière d'un camion de chantier avec un ouvrier dessus. Il m'a dit quelque chose, sans doute mécontent que je photographie sans lui demander et je commençais à lui expliquer ce que je photographiais lorsqu'il a commencé à s'occuper de la grue qui venait. J'ai traversé la rue et ai voulu commencer à rapporter mes photos sur mon Psion Revo. Il était 12h12 et tu es passée sans me voir. Tu ne m'as pas vu. la circulation était étonnamment dense, il y avait des travaux sur la chaussée. Je te voyais à peine loin devant et tu croyais que j'étais si loin devant qu'invisible. Je ne t'ai rattrapée que dans la montée de la rue de Rome. je m'amusais par avance de te dépasser, te doubler. Tu t'es tournée vers moi étonnée et je t'ai expliquée ce que j'ai fait. Plus loin je me suis arrêté pour retirer les bras de mon parka noir trop chaud sous le Soleil. Tu as ralenti à mon niveau et je t'ai dit que je te rejoindrais. Je t'ai vite rattrapée et j'étais devant jusqu'au dernier feu où je t'ai parlé, je ne me rappelle toujours pas de quoi. 250 mètres plus loin, tu étais morte. J'ai alors vécu plusieurs (quelques, quatre) heures comme si tu étais vivante.
Depuis nos derniers mots, notre dernier baiser? j'ai avancé 1,5 km dans une circulation très dense sans guère prudemment pouvoir me retourner. Je me suis alors arrêté. Je t'ai attendue quelques minutes puis j'ai fait demi-tour en tentant de te téléphoner plusieurs fois. Je tombais après plusieurs secondes (ton téléphone vibrant dans ton sac, pensais-je, mais n'était-il pas projeté quelque part) sur ton répondeur. (A l'instant, il est 1h24, j'appelle à nouveau, ton téléphone est allumé et après quelques secondes, je tombe sur ton répondeur; je réécoute: "Bonjour, merci de me laisser un message. A bientôt" quelle voix charmante, surtout dans la façon gentille de dire "à bientôt". C'est ma formulation de répondeur. J'enregistre: "Ghislaine". Pour réécouter ce "Ghislaine", ma voix, j'interroge la messagerie de Ghislaine, le code est comme je le suppose son année de naissance, 1968. Je suis étonné qu'il y ait 7 nouveaux messages, ayant oublié ceux que j'avais laissés à 12h40, 13h14, 13h46 14h09, 14h24 celui de ma mère à 21h, avant le dernier à 1h26. J'évite de les écouter jusqu'au bout: ils s'effaceraient 24 heures après. Je veux les enregistrer comme j'ai demandé aux policiers la possibilité de photographier Ghislaine à la morgue (on n'a jamais prononcé ce mot, mais toujours institut médico-légal; un policier parlait d'IML, je ne comprenais pas).
Je suis revenu jusqu'à 200 ou 300 mètres de ton corps, sans vie, ton cadavre. Je ne sais pas que tu es derrière la côte, accidentée juste après nos derniers échanges. je crois voir assez loin d'où je suis. J'avais du mal à avancer en essayant de t'appeler, il y avait un embouteillage, j'étais coincé derrière deux camions et je me demandais si je ne te croisais pas sans te voir. J'imaginais que s'était reproduit l'épisode où tu m'as dépasse sans me voir. J'imaginais aussi que tu étais soudainement fâchée, peut-être avais-tu trouvé que j'avais regardé une femme avec trop d'insistance, ou que je ne t'attendais pas assez, ou ton vélo trop lourd, l'angoisse de reprendre le travail lundi.
Chez ma mère à 12h50, je mange, j'appelle plusieurs fois et je me lève souvent afin de regarder par la fenêtre si tu arrives enfin. J'évoque des hypothèses, puis j'appelle l'hôpital Bichat pour demander s'ils n'ont pas reçu Ghislaine Bosquet aux urgences. j'imagine un accident à Clichy, pas à Paris dont tu n'as pas passé la frontière vivante. Ils me conseillent donc d'appeler l'hôpital Beaujon à Clichy. Ils me disent que non, ils ne l'ont pas encore reçu, comme s'ils l'attendaient, me disais-je. Je pense que si elle est morte elle ne passe pas par l'hôpital mais va directement à l'institut médico-légal. Je n'envisage pas d'appeler jusque là; je ne te serais alors plus d'aucun secours. J'ai pensé que je devais appeler les hôpitaux, sinon c'est que je m'en foutais. J'étais calculateur, et le pire imaginé était advenu.
Je me dis que ça me fait moins de mal car je pense déjà que la vie, ma vie est pourrie, la société haïssable. Je pense souvent que ce qu'il y a de mieux dans la vie, c'est les arbres, et encore, les grands font de l'ombre aux petits et les empêchent de pousser. mais les prédateurs, c'est le mal, et la souffrance pour continuer à vivre, manger quand la faim ronge, avoir froid, être assoiffé, agoniser impuissant. Je n'aime pas la vie. J'aurais préféré ne pas avoir vécu, je n'étais pas désiré. Maintenant que je suis là, je pense: autant la prolonger autant que je puis, j'aurais l'éternité pour être enfin mort, retourner au néant, le grand sommeil sans rêves.
Ghislaine, ses parents la voulaient; son père surtout, qui aimait les petits enfants, je l'ai vu avec son petit-fils, alors que lui, enfant abandonné, était si taciturne d'habitude avec les adultes.
Je crois que Ghislaine n'a guère, voire pas souffert; je regrette de ne pas avoir été là présent (serait-elle morte d'ailleurs?); j'aurais pu savoir. Une policière m'a dit qu'heureusement que je n'ai pas vu. il est certain que j'aurais crisé, mais j'aurais tenu sa main, j'aurais su. Et puis aurait-elle été percuté? Ou moi? J'ai encore raté un grand événement, je pense là. Comment le chauffeur n'a-t-il pas vu Ghislaine? stressé par son retard? fatigué par trop d'heures de conduite? J'apprendrai cela, mais je n'aurais pas vu la petite Ghislaine. 1m58. 1m57, m'a-t-elle dit le premier soir, car elle se dévalorise toujours: elle était humble. je l'ai souvent plaisantée, moquée sur ce mètre 57 fallacieux, mensonger. 46 48 ou 49 kilogrammes de chair d'amour contre quelques tonnes d'acier de camion.
Elle était joliment habillée et maquillée; sa petite robe mauve je crois, un petit haut, des bas et pas de culotte je crois, (un peu de) mon sperme en elle, comme elle aimait le garder. J'ai pensé plusieurs fois de ce qu'on avait pu voir de ce beau corps. Ça doit continuer à la morgue, et je pense à la possibilité que des employés ont de copuler avec elle. Je préférerais être avec elle la-bas cette nuit, lui tenir la mains. Je me demande si j'aurais désiré lui faire l'amour. Je ne crois pas, mais la regarder, la toucher, ses seins, son sexe, ses jambes, caresser sa tète, ses cheveux.
(J'aimerais ne plus avoir de libido, mais par expérience je sais que le démon du sexe est trop puissant en moi, et que je vais encore m'y perdre, y perdre du temps.)
Je l'aimais mais je n'étais pas passionné, voire amoureux. Elle s'était livrée à moi sans fard, n'a pas tenté de me séduire, au contraire, et elle l'a payée, cette innocence, cette franchise. M'asséner le poids de ce qu'elle voulait. J'étais écrasé par la perspective de ne faire l'amour qu'avec elle toute ma vie. Je ne suis pas soulagé de sa mort. Je ne m'imaginais pas pouvoir vivre toute ma vie qu'avec elle, sexuellement, érotiquement. J'imaginais une séparation tragique. mais là, alors que j'avais récupéré mon studio il y a un mois, ma ligne téléphonique internet la veille, cela ne rentrait pas dans mes scénarios récurrents. Je me demandais comment allait se passer la reprise de son travail, après plus de deux ans d'arrêt. Comment elle vivrait sa jalousie alors que je n'étais plus sous son contrôle assidu. Deux ans que je ne l'avais pas sexuellement trompée. Là je me dis que c'est un soulagement. mais ça reste une horreur: toutes les histoires enfantines qui allaient sortir de sa tête, l'amour pour les enfants, le bien qu'elle leur ferait, et pour les animaux... En portant son vélo comme j'aurais porté son corps mort, je regardais les chiens que nous aimions tant nous montrer, il y avait trois ou quatre jack-russell avec un caniche. Nous ne verrons plus ensemble 30 millions d'amis dont nous nous habituions au nouvel horaire matinal du samedi, en faisant sonner le Psion à chaque fois. Je réfléchis. C'est à peine avant-hier que nous sommes allés dans la boutique d'animaux comme nous y allons si souvent, alors qu'elle voulait voir à Conforama les canapés-lits, pour en avoir un à la reprise de son travail, en remplacement du déglingué dont elle avait hérité en achetant son studio. Je repense à la signature du contrat, lorsqu'elle a choisi de le donner à sa sœur en cas de décès. Je me rappelle ses désirs de mort, à cause de moi, et la crainte de peiner sa famille qui la retenait. Je me demande, mais je ne crois pas qu'elle voulait mourir ce midi, je crois qu'elle ne voulait pas mourir ce midi. Écoutait-elle la radio? je ne crois pas. Était-elle perturbée par la lenteur de son vélo, ma vitesse et mon éloignement? la fatigue d'une nuit très perturbée par ma veille sur internet? peut-être.
Des éléments que je connais, je ne me sens pas responsable de l'accident, mais comme une des grandes causes, au même titre que l'invitation à déjeuner de ma mère; enfin, tout ce qui fait que Ghislaine ne soit pas passé au moins deux trois secondes plus tôt ou plus tard à cet endroit (fatal).
Je suis totalement déterministe: cet événement était conditionné, causé depuis toujours, mais ces temps-ci, je croyais plus (ce n'est pas contradictoire) à une possibilité de mauvais sort sur nous. On avait un(e) ou deux ennemi(e)s, je ne désire pas en parler là. Les vélos de ma mère et de Ghislaine, identiques, ont été achetées vers le solstice d'été dernier, au même magasin. Ghislaine a eu beaucoup de problèmes avec ce vélo et nous l'avons souvent ramené au magasin: pannes, tentative de vol (le mien a été alors volé). Et ma mère s'est cassé le nez et le poignet en chutant du sien l'été dernier. Elle en a encore des séquelles.
Aujourd'hui c'est le cinquième acte d'une tragédie, une nouvelle scène d'une tragédie depuis longtemps commencée.
Qu'est-ce qu'elle a pu souffrir la pauvre Ghislaine. Déjà lorsque je l'ai rencontrée elle avait une mononucléose dont nous n'avons jamais su si elle en était guérie. Elle a connu diverses persécutions à son travail. Sa (trop grande) gentillesse en faisait le bouc-émissaire parfait, idéal, y compris pour moi, ce qui a en partie fait que nous sommes restés ensemble. Il y a eu surtout cet envoûtement qu'elle a subi par un sorcier, qui l'a laissée dans un état de torpeur dont elle ne s'est sortie que grâce à un prêtre chrétien orthodoxe.
J'imagine souvent que je lis une oraison funèbre. J'imagine comme toujours, beaucoup de conversations: que je refuse d'assister à une cérémonie religieuse dont elle n'aurait pas voulu.
Seul dans mon lit.
En retournant en arrière, je me disais que s'il y avait eu un accident, un automobiliste m'aurait dit quelque chose vu mon attitude d'attente.
Je suis allé dans trois commissariats de police aujourd'hui: le premier affecté aux accidents de la circulation, lorsque vers 17h la mère de Ghislaine m'a annoncé qu'elle était à l'institut médico-légal, la deuxième fois, imprévue allais-je dire alors que je me rendais à pied au commissariat du 17e arrondissement. J'étais au niveau du 26 avenue de l'Opéra lorsqu'un scooter est monté sur le trottoir. Il est passé entre moi et deux Japonaises à ma droite. Le passager s'est emparé du sac de la mère qui est tombée à terre. Le scooter gris métallisé (je crois) sans plaque d'immatriculation a disparu. J'ai appelé le 17 pour demander où était le commissariat le plus proche. Après m'en avoir indiqué un, le policier m'a rappelé pour m'en indiquer deux plus proches, et je suis allé avec elles au commissariat de la place du marché Saint-Honoré avant de poursuivre mon chemin.
Il est 5h09 et je ne parviens pas à dormir. J'imagine que je vais faire une dépression. Je n'aurai envie de parler à ni de voir personne. Je pleure souvent, mes yeux pleurent silencieusement.
Souvent j'imaginais Ghislaine en vieille dame, aimée, surtout par les enfants, par sa gentillesse et sa générosité, sa tendresse, leur laissant un souvenir ému. Ses deux neveux viennent de perdre leur unique tante, qui aimait tant s'occuper du seul qu'elle ait vu..
Si le procès Beljanski n'avait pas été annulé, nous y serions ce (mercredi) matin et Ghislaine serait (probablement) vivante.
Ce qui me semble presque incroyable, c'est à quel point j'imaginais sa mort probable. Elle était très fragile.
Je devrais la tutoyer?. je me sentais mieux en lui parlant, écrivant ainsi.
Je me remémore des moments de voyage. En Pologne, à Sopot avant Gdansk, lorsqu'elle a été acheter des gaufres à la chantilly et aux myrtilles insipides. Et Bélem, au Portugal. Je pense beaucoup à Buggy, le bébé berger allemand que nous avons trouvé en Bulgarie et ramené en France. On ne l'a jamais revu, depuis que nous l'avons donné à des gens indélicats, ingrats. j'imagine plusieurs fois une plaque sur la tombe de Ghislaine, signée par Luca et Buggy, ou Bugy?
je regrette qu'elle m'ait rencontré. Je regrette que nous nous soyons remis ensemble après l'achat de son studio. Je regrette qu'elle ne soit pas allée avec le (gentil) photographe qu'elle a rencontré dans son immeuble. Je crois qu'il lui aurait mieux convenu que moi. Elle fut trop fidèle au premier, au plus ancien: moi. J'aurais aimé qu'elle soit plus égoïste, mais chacun a suivi sa pente et ses faiblesses.
Je pensais vraiment que j'allais dormir et me demandais ce que j'allais rêver, et m'en souvenir; mis là il est 5h31.
A la mort de mon oncle d'un cancer il y a deux ans, j'avais pu dormir.