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Italo Svevo
L'assassinat de la Via Belpoggio Ce n'était pas la lecture du journal, l'assurance de se savoir à l'abri de tout soupçon, qui lui donnait du courage : il finit par le reconnaître lui aussi. C'était l'accoutumance à son nouvel état qui permettait son comportement plus détendu. Une bonne partie de ce que nous baptisons courage, c'est l'expérience et l'habitude du danger. [Lu la 14061e journée, jeudi 26 février 2009, dans l'édition Folio de L'assassinat de la Via Belpoggio et autres nouvelles, p. 32]
Umbertino Je suis un homme qui est vraiment né à une mauvaise époque. Dans ma jeunesse on n'honorait que les vieux : je peux même ajouter que les vieux de ce temps-là allaient jusqu'à ne point souffrir que les jeunes parlent d'eux-mêmes. Ils les faisaient taire même lorsqu'on discutait de choses qui auraient été de leur ressort, de l'amour par exemple. Je me souviens fort bien du jour où l'on parlait devant mon père, chez des personnes de son âge, d'une grande passion qui s'était emparée d'un riche Triestin et pour laquelle ce dernier se ruinait. C'était une compagnie de gens âgés de cinquante ans au moins qui par égard pour mon père m'admettaient parmi eux en m'affublant du qualificatif flatteur de poulain. Naturellement, je portais aux vieux le respect que les temps imposaient; avec anxiété j'attendais d'eux qu'ils m'apprennent tout, même l'amour. Comme j'avais besoin d'un éclaircissement, je lançai dans la conversation ces quelques mots : « Moi, dans un cas de ce genre... » Mon père me cloua le bec : « Voilà que même les puces veulent se gratter à présent. » Maintenant je suis vieux, et on ne respecte que les jeunes : ainsi j'ai traversé la vie sans qu'on m'ait jamais respecté. Voilà qui a dû faire naître en moi une certaine antipathie pour les jeunes d'aujourd'hui qu'on respecte et pour les vieux qu'on respectait, hier. Je me trouve seul en ce monde, vu que même mon âge a toujours été pour moi un signe d'infériorité. [Lu la 14062e journée, vendredi 27 février 2009, dans l'édition Folio de L'assassinat de la Via Belpoggio et autres nouvelles, p. 45-46] |