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L'anthologiste

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Philippe Sollers

Philippe Sollers, né le 28 novembre 1936 à Bordeaux

 

Une curieuse Solitude

Chapitre I

Le jeu, la danse puérile que nous menons autour d'une femme, ont pour but unique de réduire la distance qui nous sépare d'elle sans perdre tout à fait la face (plus tard, la conscience aiguë de ce ridicule nous fera préférer d'être grossier, quitte à échouer dans nos aventures).

[Lu avant le dimanche 23 janvier 2005]

*

Et certes, je pouvais disposer de son corps, mais rien de sa mémoire, de sa pensée ne m'était accessible. Et au lieu de me contenter du plaisir comme tant d'autres l'auraient fait, je ne pouvais admettre que, de quelque manière, elle ne me dévoile pas ses souvenirs. Toujours j'ai souffert d'un manque d'indifférence. Amoureux, je le devenais lentement par dépit de la voir si tranquille. La sagesse aurait été de la prendre et - pour le reste - de garder le silence. Je le savais bien, sans vouloir le savoir.

*

Je comprenais mieux comme la vanité nous pousse à risquer un bien duquel nous pourrions jouir sans dommages.

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Chapitre II

Toute rue m'était inévitable si elle renfermait des passantes désirables. Mais aujourd'hui, je croirais plutôt que le désir n'est qu'une excuse que nous accrochons, faute d'en connaître d'autre, à notre besoin d'inconnu. Car une fois notre désir satisfait, et notre corps, nous nous apercevons que, dans presque tous les cas (mais, justement n'étais-je pas à la recherche de l'exception?) rien n'est résolu, bien au contraire, et que c'est notre pensée et sa seule curiosité qui nous jettent au-dehors. Même l'amour n'empêche pas ce vertige qui parfois saisit certains dans une situation où quiconque les croit parfaitement heureux.

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Ma vie se passait à tenter, sans y parvenir, de prendre contact avec des femmes dont, sans doute, m'éloignait le désir même que j'avais d'elles et, qu'en le devinant, elles devaient trouver insupportable.