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L'anthologiste

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Philostrate

 

Flavius Philostratus, né vers 175 à Lemnos, a écrit l'histoire de la vie d'Apollonius de Tyane, célèbre gourou du IIe siècle après Jésus-Christ, ayant miraculeusement guéri la ville d'Éphèse d'une épidémie de peste. Il est mort vers 249.

 

Vie d'Apollonius de Tyane

"Aujourd'hui même je vais mettre fin à l'épidémie qui vous accable." Sur ces mots, il conduisit le peuple entier au théâtre où une image du dieu protecteur était dressée. Il vit là une espèce de mendiant qui clignait des yeux comme s'il était aveugle et qui portait une bourse contenant une croûte de pain. L'homme, vêtu de haillons, avait quelque chose de repoussant.

Disposant les Éphésiens en cercle autour de celui-ci, Apollonius leur dit: "Ramassez autant de pierres que vous pourrez et jetez-les sur cet ennemi des dieux." Les Éphésiens se demandaient où il vouait en venir. Ils se scandalisaient à l'idée de tuer un inconnu manifestement misérable qui les priait et les suppliait d'avoir pitié de lui. Revenant à la charge, Apollonius poussait les Éphésiens à se jeter sur lui, à l'empêcher de s'éloigner.

Dès que certains d'entre eux suivirent ce conseil et se mirent à jeter des pierres au mendiant, lui que ses yeux clignotants faisaient paraître aveugle leur jeta soudain un regard perçant et montra des yeux pleins de feu. Les Éphésiens reconnurent alors qu'ils avaient affaire à un démon et le lapidèrent de si bon cœur que leurs pierres formèrent un grand tumulus autour de son corps.

Après un petit moment, Apollonius les invita à enlever les pierres et à reconnaître l'animal sauvage qu'ils avaient mis à mort. Une fois qu'ils eurent dégagé la créature sur laquelle ils avaient lancé leurs projectiles, ils constatèrent que ce n'était pas le mendiant. À sa place, il y avait une bête qui ressemblait à un molosse, mais aussi grosse que le plus gros lion. Elle était là sous leurs yeux, réduite par leurs pierres à l'état de bouillie et vomissant de l'écume à la façon des chiens enragés. En raison de quoi, on dressa la statue du dieu protecteur, Héraklès, à l'endroit même où le mauvais esprit avait été expulsé.

 

ou

 

Lorsque l'épidémie fondit sur Éphèse et que rien ne suffisait à l'arrêter, les Êphésiens envoyèrent une deputation à Apollonios, dont ils voulaient faire le médecin de leur mal. Et lui jugea qu'il ne fallait pas différer le voyage, mais, dès qu'il eut dit «Allons!» il était dans Éphèse, renouvelant, je pense, l'exploit de Pythagore qui se trouva à la fois à Thurii et à Métaponte. Il rassembla donc les Êphésiens et leur dit : «Courage, aujourd'hui je mettrai fin à la maladie»; sur quoi il emmena la population entière au théâtre, à l'endroit où a été élevée une statue au dieu du Bon Secours. Là se trouvait un vieillard, l'air d'un mendiant, clignant des yeux hypocritement comme un aveugle, et qui portait une besace contenant une croûte de pain; il était vêtu de haillons et son visage était tout parcheminé.

Apollonios groupa les Êphésiens autour de lui et dit : «Lapidez cet ennemi des dieux, prenez autant de pierres que vous pourrez». Et comme les Êphésiens s'étonnaient, et étaient scandalisés à l'idée de tuer un étranger aussi misérable - car il les suppliait et tentait, par ses paroles, de leur inspirer de la pitié - Apollonios n'en continua pas moins à inviter les Êphésiens à frapper le vieillard et à ne pas le laisser partir. Et lorsque quelques-uns eurent commencé à lui lancer des pierres, alors le mendiant, qui avait jusque-là les yeux fermés, jeta sur eux soudain ses regards et l'on vit que ses yeux étaient pleins de feu. Les Éphésiens comprirent que c'était un démon et ils le lapidèrent de telle sorte qu'il y eut bientôt sur lui un monticule de pierres