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Friedrich Nietzsche

 

 

Friedrich Wilhelm Nietzsche est né le 15 octobre 1844 à Röcken, en Saxe, et mort le 25 août 1900 à Weimar.

 

 

Lettre à Elisabeth Nietzsche, dimanche 11 juin 1865

Quant à ton principe selon lequel le vrai serait toujours du côté de ce qui est le plus difficile, je te le concède en partie. Néanmoins il est difficile de saisir que 2 et 2 ne feraient pas 4 ; en est -ce plus vrai d’autant ?

D’autre part toutes les idées dans lesquelles on a été élevés et qui peu à peu se sont fortement enracinées en nous, ce qui a été tenu pour vrai dans nos familles, et chez nombre de braves gens, ce qui de surcroît console et édifie effectivement l’être humain, tout cela est-il plus difficile de l’admettre que de lutter contre l’accoutumance et, dans l’insécurité qui est le lot de quiconque avance en toute indépendance, exposé aux fréquentes oscillations de l’esprit, voie de la conscience, privé souvent de consolations, mais ne visant jamais qu’à ouvrir de nouvelles voies, au vrai, au beau, au bien ?|

Quand il s’agit de se former sur Dieu, le monde et le salut la conception dans laquelle on se sent à l’aise, pour le véritable chercheur le résultat de sa recherche n’est‐il pas justement quelque chose d’indifférent ? Cherchons-nous en effet en notre quête, repos, paix, bonheur ? Non point mais exclusivement la vérité, fût‐elle au plus haut point effrayante et abominable.

[…] Aussi bien il n’est aucune vraie foi qui est trompeuse, elle fournit au croyant ce qu’il espère y trouver, mais sans offrir le moindre point d’appui pour fonder une vérité objective.

C’est là que se séparent les voies que suivent les humains, veux-tu repos de l’âme et bonheur, alors crois ; veux-tu être au service de la vérité, alors cherche.

...plus gai.

[Lu la 16805e journée, le jeudi 1er septembre 2016 dans Lettres choisies, Gallimard, Folio Classique, 2008, p. 52-53]

 

Lettre à Malwida von Meysenbug, 25 octobre 1874

Par chance je suis dépourvu de toute ambition politique ou sociale, en sorte que je n'ai à craindre aucun danger de ce côté-là, rien qui me retienne, rien qui me force à des transactions et à des ménagements ; bref j'ai le droit de dire tout haut ce que je pense, et je veux une bonne fois tenter l'épreuve qui fera voir jusqu'à quel point nos semblables, si fiers de leur liberté de pensée, supportent de libres pensées.

[Lu la 15331e journée, le dimanche 19 août 2012]

 

 

Humain, trop humain. Un livre pour les esprits libres (1876-1878)

§ 225. Esprit libre, conception relative.

On appelle esprit libre celui qui pense autrement qu’on ne s’y attend de sa part en raison de son origine, de son milieu, de son état et de sa fonction, ou en raison des opinions régnantes de son temps. Il est l’exception, les esprits asservis sont la règle (…). Au demeurant, il n’entre pas dans la nature de l’esprit libre d’avoir des vues plus justes, mais bien plutôt de s’être affranchi des traditions, que ce soit avec bonheur ou avec insuccès. Mais d’ordinaire, il aura tout de même la vérité de son côté, ou tout au moins l’esprit de recherche de la vérité : il veut, lui, des raisons, les autres des croyances.

On appelle esprit libre celui qui pense autrement qu’on ne l’attend de lui à cause de son origine, de ses relations, de sa situation et de son emploi ou à cause des vues régnantes du temps. Il est l’exception, les esprits serfs sont la règle ; ceux-ci lui reprochent que ses libres principes doivent communiquer un mal à leur origine, ou bien aboutir à des actions libres, c’est-à-dire à des actions qui ne se concilient pas avec la morale dépendante. De temps à autre, l’on dit aussi que tels ou tels libres principes doivent être dérivés d’une subtilité ou d’une excitation mentale, mais qui parle ainsi n’est que là malice, qui elle-même ne croit pas à ce qu’elle dit, mais veut s’en servir pour nuire : car le libre esprit a d’ordinaire le témoignage de la bonté et de la pénétration supérieure de son intelligence écrit sur son visage si lisiblement que les esprits dépendants le comprennent assez bien. Mais les deux autres dérivations de la libre-pensée sont loyalement entendues ; le fait est qu’il se produit beaucoup d’esprits libres de l’une ou de l’autre sorte. Mais ce pourrait être une raison pour que les principes auxquels ils sont parvenus par ces voies fussent plus vrais et plus dignes de confiance que ceux des esprits dépendants. Dans la connaissance de la vérité, il s’agit de ce qu’on l’a, non pas de savoir par quel motif on l’a cherchée, par quelle voie on l’a trouvée. Si les esprits libres ont raison, les esprits dépendants ont tort, peu importe que les premiers soient arrivés au vrai par immoralité, que les autres, par moralité, se soient jusqu’ici tenus au faux. — Au reste, il n’est pas de l’essence de l’esprit libre d’avoir des vues plus justes, mais seulement de s’être affranchi du traditionnel, que ce soit avec bonheur ou avec insuccès. Pour l’ordinaire toutefois il aura la vérité ou du moins l’esprit de la recherche de la vérité de son côté : il cherche des raisons, les autres une croyance.

[Lu le samedi 11 avril 2020,

https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Nietzsche_-_Humain,_trop_humain_(1ère_partie).djvu/252, https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Nietzsche_-_Humain,_trop_humain_(1ère_partie).djvu/253]

 

 

Le gai savoir (1882)

§ 125: L'insensé

Expulsé et interrogé il n'aurait cessé de répondre toujours la même chose: "Que sont donc encore les églises sinon les tombeaux et les monuments funèbres de dieu?"

 

Nul ne tiendra une doctrine pour vraie du simple fait qu’elle rend heureux ou vertueux. Quelque chose pourrait être vrai tout en étant nocif et dangereux au suprême degré, et il se pourrait même que l’existence ait cette propriété fondamentale de faire périr quiconque la connaîtrait complètement, de sorte que la force d’un esprit se mesurerait à la quantité précise de vérité qu’il parviendrait à supporter, plus clairement au degré auquel il aurait besoin de la diluer, de l’adoucir, de l’émousser, de la falsifier.

 

§ 341. Le poids formidable.

Que serait-ce si, de jour ou de nuit, un démon te suivait une fois dans la plus solitaire de tes solitudes et te disait : « Cette vie, telle que tu la vis actuellement, telle que tu l'as vécue, il faudra que tu la revives encore une fois, et une quantité innombrable de fois; et il n’y aura en elle rien de nouveau, au contraire! il faut que chaque douleur et chaque joie, chaque pensée et chaque soupir, tout l’infiniment grand et l’infiniment petit de ta vie reviennent pour toi, et tout cela dans la même suite et le même ordre - et aussi cette araignée et ce clair de lune entre les arbres, et aussi cet instant et moi-même. L’éternel sablier de l’existence sera retourné toujours à nouveau - et toi avec lui, poussière des poussières! » - Ne te jetterais-tu pas contre terre en grinçant des dents et ne maudirais-tu pas le démon qui parlerait ainsi? Ou bien as-tu déjà vécu un instant prodigieux où tu lui répondrais : « Tu es un dieu, et jamais je n’ai entendu chose plus divine! » Si cette pensée prenait de la force sur toi, tel que tu es, elle te transformerait peut-être, mais peut-être t’anéantirait-elle aussi; la question « veux-tu cela encore une fois et une quantité innombrable de fois? », cette question, en tout et pour tout, pèserait sur toutes tes actions d’un poids formidable! Ou alors combien il te faudrait aimer la vie, que tu t’aimes toi-même pour ne plus désirer autre chose que cette suprême et éternelle confirmation!

[Lu vers juin 2015]

 

§347

Cet impétueux désir de certitude qui éclate aujourd’hui dans les masses, sous la forme scientifico-positiviste, ce désir de vouloir posséder quelque chose d’absolument stable (tandis que dans la chaleur même de ce désir on se préoccupe fort peu des arguments propres à fonder cette certitude) ; tout ceci témoigne encore du besoin d’un appui, d’un soutien, bref de cet instinct de faiblesse qui, il est vrai, ne crée pas, mais conserve les religions, les métaphysiques, les convictions de toutes sortes.

[Lu le samedi 11 avril 2020]

 

§355

Notre besoin de connaître n’est-il pas justement notre besoin de familier ? Le désir de trouver, parmi tout ce qui nous est étranger, inhabituel, énigmatique, quelque chose qui ne nous inquiète plus ? Ne serait-ce pas l’instinct de la peur qui nous commande de connaître ? Le ravissement qui accompagne l’acquisition de la connaissance ne serait-il pas la volupté de la sécurité retrouvée ?…

[Lu le samedi 11 avril 2020]

 

 

Ainsi parlait Zarathoustra (1885)

Première partie

L'État, voilà le nom du plus froid de tous les monstres. Il ment aussi, froidement; et sa bouche laisse échapper ce mensonge: "Moi, l'État, je suis le peuple".

 

Troisième partie

Je reviendrais, avec ce soleil et cette terre, avec cet aigle et ce serpent, — non pour une vie nouvelle, ou une meilleure vie, ou une vie ressemblante ; — à jamais je reviendrais pour cette même et identique vie, dans le plus grand et aussi bien le plus petit, pour à nouveau de toutes choses enseigner le retour éternel, —

 

Ecce Homo, comment on devient ce que l'on est (1888)

Avant propos § 3

La philosophie, telle que je l'ai toujours comprise et vécue, consiste à vivre volontairement dans les glaces et sur les cimes, - à rechercher tout ce qui dans l'existence dépayse et fait question, tout ce qui, jusqu'alors, a été mis au ban par la morale. Je dois à la longue expérience acquise au cours d'une telle incursion dans les contrées interdites, d'avoir appris à envisager, tout autrement qu'on ne le souhaiterait sans doute, les raisons pour lesquelles on a jusqu'ici « moralisé » et « idéalisé » : l'histoire cachée des philosophes, la psychologie de leurs plus grands noms, m'est apparue sous son vrai jour. - Quelle dose de vérité un esprit sait-il supporter, sait-il risquer ? Voilà qui, de plus en plus, devint pour moi le vrai critère des valeurs.

[Complété la 15331e journée, le dimanche 19 août 2012]

 

 

Ecce Homo » III

Malheur à moi ! Je suis nuance.

Lu le lundi 30 novembre 2020, https://fr.wikisource.org/wiki/Ecce_Homo/Pourquoi_j%E2%80%99%C3%A9cris_de_si_bons_livres

 

Le mensonge le plus courant est celui que l'on se fait à soi-même ; mentir aux autres est plutôt l'exception.

[Lu le mardi 5 juillet 2011]

 

Et ce que l’on faisait autrefois pour l’amour de Dieu, on le fait maintenant pour l’amour de l’argent, c’est-à-dire pour l’amour de ce qui donne maintenant le sentiment de puissance le plus élevé et la bonne conscience.

[Lu la 15331e journée, le dimanche 19 août 2012]