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L'anthologiste

Cont@ct

 

Guy de Maupassant

 

Né le 5 août 1850, français.

 

La Maison Tellier

C'est alors que Rosa, le front dans ses mains, se rappela tout à coup sa mère, l'église de son village, sa première communion. Elle se crut ce jour-là, quand elle était si petite, toute noyée en sa robe blanche, et elle se mit à pleurer. Elle pleura doucement d'abord; les larmes lentes sortaient de ses paupières, puis, avec ses souvenirs, son émotion grandit, et, le cou gonflé, la poitrine battante, elle sanglota.

Elle avait tiré son mouchoir, s'essuyait les yeux, se tamponnait le nez et la bouche pour ne point crier; ce fut en vain; une espèce de râle sortit de sa gorge, et deux autres soupirs profonds, déchirants, lui répondirent; car ses deux voisines, abattues près d'elle, Louise et Flora, étreintes des mêmes souvenances lointaines, gémissaient aussi avec des torrents de larmes.

Mais comme les larmes sont contagieuses, Madame, à son tour, sentit bientôt ses paupières humides, et, se tournant vers sa belle-sœur, elle vit que tout son banc pleurait aussi. [...]

Soudain dans l'église une sorte de folie courut, une rumeur de foule en délire, une tempête de sanglots avec des cris étouffés. Cela passa comme ces coups de vent qui courbent les forêts; et le prêtre restait debout, immobile, une hostie à la main, paralysé par l'émotion, se disant: "C'est Dieu, c'est Dieu qui est parmi nous, qui manifeste sa présence, qui descend à ma voix sur son peuple agenouillé!

***

Pierre et Jean

Chapitre II

Il se leva et se remit à marcher vers le bout de la jetée. Il se sentait mieux, content d'avoir compris, de s'être surpris lui-même, d'avoir dévoilé l'autre qui est en nous.

"Donc j'ai été jaloux de Jean, pensait-il. C'est vraiment assez bas, cela! J'en suis sûr maintenant, car la première idée qui m'est venue est celle de son mariage avec Mme Rosémilly. Je n'aime pourtant pas cette petite dinde raisonnable, bien faite pour dégoûter du bon sens et de la sagesse. C'est donc de la jalousie gratuite, l'essence même de la jalousie, celle qui est parce qu'elle est! Faut soigner cela!"

***

Jadis (1880, 1883)

- Mais vous êtes donc fous aujourd'hui, vous êtes fous. Le bon Dieu vous a donné l'amour, la seule séduction de la vie ; l'homme y a mêlé la galanterie, la seule distraction de nos heures, et voilà que vous y mettez du vitriol et du revolver, comme on mettrait de la boue dans un flacon de vin d'Espagne !

Berthe ne paraissait pas comprendre l'indignation de son aïeule.

- Mais, grand-mère, cette femme s'est vengée. Songe donc, elle était mariée, et son mari la trompait.

La grand-mère eut un soubresaut.

- Quelles idées vous donne-t-on, à vous autres, jeunes filles d'aujourd'hui ?

Berthe répondit :

- Mais le mariage, c'est sacré, grand-mère.

L'aïeule tressaillit en son cœur de femme née encore au grand siècle galant.

- C'est l'amour qui est sacré, dit-elle. Écoute, fillette, une vieille qui a vécu trois générations et qui en sait long, bien long sur les hommes et sur les femmes. Le mariage et l'amour n'ont rien à voir ensemble. On se marie pour fonder une famille, et on forme une famille pour constituer la société. La société ne peut pas se passer du mariage. Si la société est une chaîne, chaque famille en est un anneau.

Pour souder ces anneaux-là, on cherche toujours les métaux pareils. Quand on se marie, il faut unir les convenances, combiner les fortunes, joindre les races semblables, travailler pour l'intérêt commun qui est la richesse et les enfants. On ne se marie qu'une fois, fillette, et parce que le monde l'exige ; mais on peut aimer vingt fois dans sa vie, parce que la nature nous a faits ainsi. Le mariage ! c'est une loi, vois-tu, et l'amour, c'est un instinct qui nous pousse tantôt à droite, tantôt à gauche. On a fait des lois qui combattent nos instincts, il le fallait ; mais les instincts toujours sont les plus forts, et on a tort de leur résister, puisqu'ils viennent de Dieu, tandis que les lois ne viennent que des hommes.
    Si on ne poudrait pas la vie avec de l'amour, le plus d'amour possible, mignonne, comme on met du sucre dans les drogues pour les enfants, personne ne voudrait la prendre telle qu'elle est.
    Berthe, effarée, ouvrait ses grands yeux ; elle murmura :
    - Oh ! grand-mère, grand-mère, on ne peut aimer qu'une fois !
    L'aïeule leva vers le ciel ses mains tremblantes comme pour invoquer encore le dieu défunt des galanteries.
    Elle s'écria, indignée :
    - Vous êtes devenus une race de vilains, une race du commun.
    Depuis la Révolution, le monde n'est plus reconnaissable. Vous avez mis de grands mots partout ; vous croyez à l'égalité et à la passion éternelle. Des gens ont fait des vers pour vous dire qu'on mourait d'amour. De mon temps on faisait des vers pour nous apprendre à aimer beaucoup. Quand un gentilhomme nous plaisait, fillette, on lui envoyait un page. Et quand il nous venait au cœur un nouveau caprice, on congédiait son dernier amant, à moins qu'on ne les gardât tous les deux.
    La jeune fille, toute pâle, balbutia :
    - Alors les femmes n'avaient pas d'honneur ?
    La vieille bondit :
    - Pas d'honneur ! parce qu'on aimait, qu'on osait le dire et même s'en vanter ? Mais, fillette, si une de nous, parmi les plus grandes dames de France, était demeurée sans amant, toute la cour en aurait ri. Et vous vous imaginez que vos maris n'aimeront que vous toute leur vie ? Comme si ça se pouvait, vraiment !
    Je te dis, moi, que le mariage est une chose nécessaire pour que la société vive, mais qu'il n'est pas dans la nature de notre race, entends-tu bien ? Il n'y a dans la vie qu'une bonne chose, c'est l'amour, et on veut nous en priver. On vous dit maintenant : "Il ne faut aimer qu'un homme", comme si on voulait me forcer à ne manger toute ma vie que du dindon. Et cet homme-là aura autant de maîtresses qu'il y a de mois dans l'année !
    Il suivra ses instincts galants, qui le poussent vers toutes les femmes, comme les papillons vont à toutes les fleurs ; et alors, moi, je sortirai par les rues, avec du vitriol dans une bouteille, et j'aveuglerai les pauvres filles qui auront obéi à la volonté de leur instinct ! Ce n'est pas sur lui que je me vengerai, mais sur elles ! Je ferai un monstre. Je ferai un monstre d'une créature que le bon Dieu a faite pour plaire, pour aimer et pour être aimée !

Et votre société d'aujourd'hui, votre société de manants, de bourgeois, de valets parvenus m'applaudira et m'acquittera. Je te dis que c'est infâme, que vous ne comprenez pas l'amour ; et je suis contente de mourir plutôt que de voir un monde sans galanteries et des femmes qui ne savent plus aimer.
    Vous prenez tout au sérieux à présent ; la vengeance des drôlesses qui tuent leurs amants fait verser des larmes de pitié aux douze bourgeois réunis pour sonder les coeurs des criminels. Et voilà votre sagesse, votre raison ? Les femmes tirent sur les hommes et se plaignent qu'ils ne sont plus galants !
    La jeune fille prit en ses mains tremblantes les mains ridées de la vieille :
    - Tais-toi, grand-mère, je t'en supplie. Et à genoux, les larmes aux yeux, elle demandait au ciel une grande passion, une seule passion éternelle, selon le rêve nouveau des poètes romantiques, tandis que l'aïeule la baisant au front, toute pénétrée encore de cette charmante et saine raison dont les philosophes galants emplirent le dix-huitième siècle, murmura :
    - Prends garde, pauvre mignonne, si tu crois à des folies pareilles, tu seras bien malheureuse.

[Lu le dimanche 26 décembre 2010 dans La révolution de l'amour de Luc Ferry (Plon), p. 101, puis le reste sur internet la  la 14995e journée, dimanche 18 septembre 2011]

 

Bel-Ami

Et jamais un être ne revient, jamais... On garde les moules et les statues; les empreintes qui refont des objets pareils; mais mon corps, mon visage, mes pensées, mes désirs ne reparaîtront jamais. Et pourtant il naîtra des millions, des milliards d'êtres qui auront dans quelques centimètres carrés un nez, des yeux, un front, des joues et une bouche comme moi, et aussi une âme comme moi, sans que jamais je revienne, moi, sans que jamais même quelque chose de moi reconnaissable reparaisse dans ces créatures innombrables et différentes, indéfiniment différentes bien que pareilles à peu près.

 

Bel-Ami (1885)

Première partie

Chapitre VI

Pourquoi

sentent pas.

[Lu la 14994e journée, samedi 17 septembre 2011, dans l'édition Presse Pocket, 1977, p. 148]

 

Mariez

logis.

[Lu la 14994e journée, samedi 17 septembre 2011, dans l'édition Presse Pocket, 1977, p. 149]

 

Chapitre VIII

qu'allait....en lui.

[Lu la 14994e journée, samedi 17 septembre 2011, dans l'édition Presse Pocket, 1977, p. 192-193]

 

Deuxième partie

Chapitre II

C'était

universel. OU moment.

[Lu la 14995e journée, dimanche 18 septembre 2011, dans l'édition Presse Pocket, 1977, p. 233]

 

Chapitre III

Ce fut elle

peut-être.

[Lu la 14995e journée, dimanche 18 septembre 2011, dans l'édition Presse Pocket, 1977, p. 246]

 

Il se frottait

femmes.

[Lu la 14995e journée, dimanche 18 septembre 2011, dans l'édition Presse Pocket, 1977, p. 250]

 

Le journaliste

impuissance.

[Lu la 15000e journée, vendredi 23 septembre 2011, dans l'édition Presse Pocket, 1977, p. 325-326]

 

 

[Lu la 15000e journée, vendredi 23 septembre 2011, dans l'édition Presse Pocket, 1977, p. 328]