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Sommaire de l'anthologie

L'anthologiste

Cont@ct

 

Andréa H. Japp

 

 

Née à Paris en 1957, Andréa H. Japp est devenue toxicologue.

 

La Voyageuse

Chapitre 2

S'installait à Newton une jeune bourgeoisie d'argent qui aurait ravi Simon parce qu'elle démontrait l'une de ses innombrables hypothèses: «Il n'y a pas de race, Ann. Il n'y a que des classes, au sens le plus large du terme. Le racisme, c'est ce qui permet au paumé blanc du coin de croire qu'il est un peu moins paumé que la victime de son racisme. Ça le rassure, et c'est comme cela qu'on lui fait gober n'importe quoi.»

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Chapitre 5

Richard plongea ses yeux bleu pâle dans les siens et déclara d'un ton lourd et grave:

— Notre espèce est sanguinaire, Ann. Elle l'a toujours été et c'est pour cela qu'elle a survécu. ce n'est pas une excuse, j'en suis conscient, mais la compassion  est une donnée relativement moderne. Nier le fait que nous sommes féroces est inepte. Même s'il faut les lois, la religion ou la morale pour discipliner cette férocité, nous resterons toujours ce que nous sommes. La loi ne sert qu'à déterminer si la férocité est de l'héroïsme ou de la légitime défense, ou si elle est inacceptable et mérite une punition. Quant à l'éducation, c'est la chose la plus fondamentale parce qu'elle sert de référence aux individus.

— Et il n'existe aucune donnée absolue?

— Non. Tout est toujours relatif. Manque de chance, les schémas de comparaison varient en fonction des situations et des intérêts. Ce qui est un acte de barbarie à un moment, en un lieu, peut devenir de l'héroïsme ailleurs, plus tard. On rentre, Ann? J'ai du boulot.

— On rentre.

 

Le voyage de retour jusqu'à Commonwealth Avenue fut singulièrement silencieux, ni long ni court, ni pesant ni agréable. Juste une série supplémentaire de points de suspension.

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Chapitre 11

Trop de différences. Y a toujours des différences, sans cela l'homme ne peut pas vivre, parce qu'il ne peut pas rêver qu'il n'est pas ce qu'il est ou qu'il deviendra ce qu'il n'est pas... Merde! je ne sais plus où j'en suis. Mais trop de fric, de luxe, de choses belles à côté de la merde, de la galère et du désespoir parce que le haut est tellement haut et que le bas et si bas, ça ne fait pas bon ménage.

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Je me suis rendu compte avec l'âge qu'on aime d'autant plus un être qu'il reste étranger. On veut tout dominer, tout maîtriser, une fois que c'est fait ça devient une habitude rassurante. Je crois que c'est pour cela que j'aime les chats. Même lorsqu'ils te choisissent et qu'ils te sont fidèles, ils sont ailleurs.