Anatole France Né en 1844, français
Thaïs ( Elle se réjouissait dans un paisible orgueil de la faveur publique et de la bonté des dieux, et, tant aimée, elle s'aimait elle-même. *** L'île des pingouins
livre
1, chapitre 2 - Depuis la venue de ces nonnes, c'en est fait de l'innocence et du repos de nos moines. - Je le crois volontiers, répondit le bienheureux Maël. Car la femme est un piège adroitement construit: on y est pris dès qu'on l'a flairé. Hélas! L'attrait délicieux de ces créatures s'exerce de loin plus puissamment encore que de près. Elles inspirent d'autant plus le désir qu'elles le contentent moins. De là ce vers d'un poète à l'une d'elles: présente, je vous fuis; absente, je vous trouve." aussi voyons-nous, mon fils, que les blandices de l'amour charnel sont plus puissantes sur les solitaires et les religieux que sur les hommes qui vivent dans le siècle. Le démon de la luxure m'a tenté toute ma vie de diverses manières, et les plus rudes tentations ne me vinrent pas de la rencontre d'une femme, même belle et parfumée. Elles me vinrent de l'image d'une femme absente. Maintenant encore, plein de jours et touchant à ma quatre-vingt-dix-huitième année, je suis souvent induit par l'ennemi à pécher contre la chasteté, du moins en pensée. La nuit, quand j'ai froid dans mon lit et que se choquent avec un bruit sourd mes vieux os glacés, j'entends des voix qui récitent le deuxième verset du troisième livre des rois: dixerunt ergo ei servi sui: quaeramus domino nostro regi adolescentulam virginem, et stet coram rege et foveat eum, dormiatque in sinu suo, et calefaciat dominum nostrum regem. et le diable me montre une enfant dans sa première fleur qui me dit: "- Je suis ton abisag; je suis ta sunamite. ô mon seigneur, fais-moi une place dans ta couche." [Lu avant le dimanche 23 janvier 2005] *** La vie en fleur (1923) Chapitre XXII: Mon parrain Mon pauvre parrain avait été beaucoup insulté par les savants officiels, et il en souffrait, ne sachant pas qu’un homme ne s’élève à la gloire que sur des monceaux d’injures, et que, pour quiconque pense et agit, c’est mauvais signe que de n’être point vilipendé, insulté, menacé. Il n’avait pas suffisamment observé que, de tout temps, ceux qui honorèrent leur pays par leur génie ou leurs vertus subirent l’outrage, la persécution, la captivité, l’exil, quelquefois la mort. Ces considérations n’entraient point dans son génie. [Lu avant le dimanche 23 janvier 2005, dans l'édition Folio, p. 192-193 ; https://fr.wikisource.org/wiki/La_Vie_en_fleur/Chapitre_XXII]
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