Cléanthe
Cléanthe
est né vers -312 à Assos en Troade, fut boxeur et est venu vers -280 à Athènes
où il suivit pendant dix-neuf années l'enseignement du fondateur du stoïcisme,
Zénon de Cittium, jusqu'à la mort de celui-ci en -262. Très pauvre, il
travaillait la nuit à puiser de l'eau pour arroser les jardins, et à pétrir
la farine chez des boulangers, pour pouvoir étudier le jour. Zénon le choisit
comme successeur à la tête de l'École qu'il dirigea jusqu'à sa mort en -232,
lorsque, atteint d'une tumeur à la lèvre, il se laissa mourir de faim. De lui ne
nous est parvenu qu'environ 150 fragments, dont un poème d'une quarantaine de
vers. Hymne à Zeus
Ô toi qui es le plus glorieux des immortels, qui as
des noms multiples, tout-puissant à jamais,
Zeus, Principe et Maître de la Nature, qui gouvernes
tout conformément à la loi,
Je te salue, car c'est un droit pour tous les mortels
de s'adresser à toi,
Puisqu'ils sont nés de toi, ceux qui participent à
cette image des choses qui est le son,
Seuls parmi ceux qui vivent et se meuvent, mortels,
sur cette terre.
Aussi je chanterai et célébrerai ta puissance à
jamais.
C'est à toi que tout cet univers, qui tourne autour
de la terre,
Obéit où tu le mènes, et de bon gré il se soumet
à ta puissance,
Tant est redoutable l'auxiliaire que tu tiens en tes
mains invincibles,
La foudre à double dard, fait de feu, vivant à
jamais;
Sous son choc frémit la Nature entière.
C'est par lui que tu diriges avec rectitude la raison
commune, qui pénètre toutes choses
Et qui se mêle aux lumières célestes, grandes et
petites.
C'est par lui que tu es devenu ce que tu es, Roi suprême
de l'univers.
Et aucune œuvre ne s'accomplit sans toi, ô Divinité,
ni sur terre,
Ni dans la région éthérée de la voûte divine, ni
sur mer,
Sauf ce qu'accomplissent les méchants dans leurs
folies.
Mais toi, tu sais réduire ce qui est sans mesure,
Ordonner le désordre; en toi la discorde est
concorde.
Ainsi tu as ajusté en un tout harmonieux les biens
et les maux
Pour que soit une la raison de toutes choses, qui
demeure à jamais,
Cette raison que fuient et négligent les mortels
sont les méchants;
Malheureux, qui désirent toujours l'acquisition des
biens
Et ne discernent pas la loi commune des dieux, ni ne
l'entendent,
Cette loi qui, s'ils la suivaient intelligemment, les
ferait vivre d'une noble vie.
Mais eux, dans leur folie, s'élancent chacun vers un
autre mal:
Les uns, c'est pour la gloire qu'ils ont un zèle
querelleur,
Les autres se tournent vers le gain sans la moindre
élégance,
Les autres, vers le relâchement et les voluptés
corporelles;
[...] ils se laissent porter d'un objet à l'autre
Et se donnent bien du mal pour atteindre des résultats
opposés à leur but.
Mais toi, Zeus, de qui viennent tous les biens, dieu
des noirs nuages et du foudre éclatant,
Sauve les hommes de la malfaisante ignorance,
Dissipe-la, ô Père, loin de notre âme; laisse-nous
participer
À cette sagesse sur laquelle tu te fondes pour
gouverner toutes choses avec justice,
Afin qu'honorés par toi, nous puissions t'honorer en
retour
En chantant continuellement tes œuvres, comme il sied
À des mortels; car il n'est point, pour des hommes ou
des dieux, De plus haut privilège que de chanter à jamais, comme il se doit, la loi universelle. |